« Tant qu’il s’agit de sang arabe, il n’y a ni justice ni juge », écrit Abir Kobty dans Yediot Aharonot, en parlant de la condition des citoyens arabes en Israël. Il indique que 33 d’entre eux ont été tués par des policiers ou des soldats, dont un seul est passé en jugement.
Cela s’aggrave, d’octobre en octobre
Quand il s’agit de sang arabe, il n’y a pas d’actes d’accusation, pas de justice, pas de juge. Après six années de recommandations et de promesses, la guerre a encore ajouté une cicatrice.
Six années ont passé depuis les événements d’octobre 2000 au cours desquels 12 citoyens arabes et un habitant de Gaza avaient été tués par les balles de policiers et de tireurs d’élite. Trois années ont passé depuis la publication des conclusions de la Commission Or, et près d’un an depuis les résultats de l’enquête du Département des investigations portant sur des policiers, enquête qui avait été rouverte sur la pression du public. Mais aujourd’hui, après des années d’une douloureuse agitation des esprits, d’une accumulation de commentaires, d’attentes, de conclusions, de recommandations et de promesses, non seulement nous n’avons pas progressé dans le sens de l’égalité espérée, mais nous avons fait marche arrière : d’après les chiffres du centre « Mossawa » [association indépendante, créée en 1997, qui œuvre au changement du statut des citoyens arabes palestiniens en Israël – NdT], depuis octobre 2000, 20 autres citoyens arabes ont été tués par les balles des forces de sécurité israéliennes. Et la dernière guerre a ajouté une cicatrice, creusant encore la faille entre les populations juive et arabe dans ce pays.
Tant la guerre du Liban que les événements d’octobre 2000 sont caractérisés par un recours empressé à la force. Cela a été et cela reste l’option première et pour tout dire unique de l’éventail des possibilités du gouvernement et de ses différents organes pour tout ce qui est lié aux Arabes de l’intérieur et de l’extérieur. Aucune leçon n’a été retenue et la politique hostile à l’égard de la population arabe perdure, comme l’option exclusive. Un exemple à la fois marquant et tout frais est la réponse automatique du Premier Ministre aux derniers signes donnés par la Syrie disposée à parvenir à un accord de paix.
Le lien qui relie l’attitude à l’égard d’octobre 2000 et la deuxième guerre du Liban concerne les commissions d’enquête. La Commission Or n’a pas pointé de fautes directes et ses recommandations portant sur un changement de la politique clairement discriminatoire des gouvernements israéliens ont été classées sans suite (même celles qu’on a fait mine d’encourager ne seront jamais appliquées). On peut supposer que le sort de la Commission Vinograd et des autres commissions d’enquête/fuite/plaisanterie mises sur pied par Olmert ne sera pas différent. Nous nous sommes habitués depuis longtemps au fait que la fonction des commissions n’est pas de chercher la vérité, de pointer des dysfonctionnements dans les modèles de pensée fondamentaux, ni d’amener un changement vital de politique. Il est clair pour nous tous, en fait, que la fonction, presque ouvertement déclarée, de ces commissions est de balayer, d’évacuer les questions importantes, cruciales. Cette fois encore, aucun changement essentiel n’aura lieu, car il faudrait que la culture politique change ici de fond en comble. Aucune commission ne sera efficace tant qu’elle n’examinera pas les répercussions de la conception de la force dans laquelle baigne l’Etat.
La population arabe d’Israël – même si cela surprendra une partie appréciable des lecteurs juifs – vit avec un sentiment de menace permanente. Il ne s’agit pas uniquement de questions « prosaïque » comme la source de revenus, la santé et l’espérance de vie (les chiffres du Bureau des Statistiques indiquent un élargissement du fossé entre l’espérance de vie des Juifs et celle des Arabes en Israël), mais d’une véritable menace sur la vie : sur les 33 cas de citoyens arabes tués par des policiers et des soldats au cours des six dernières années, un seul est passé en jugement. Tant qu’il s’agit de sang arabe, il n’y a ni justice ni juge.
L’aspiration de la population arabe à vivre en paix – oui, une paix régionale, comprenant aussi la fin de l’occupation de son peuple – dans une sécurité personnelle et sociale, et dans une égalité nationale et civile, cette aspiration, le gouvernement israélien a échoué à la satisfaire et pire encore : il semble qu’il ne soit nullement intéressé à la satisfaire. Les événements d’octobre 2000, tout comme la guerre récente, devraient logiquement conduire à la conclusion que l’hostilité, la force et la haine ne sont pas la voie à suivre pour restaurer les relations avec les Arabes à l’intérieur d’Israël, ni pour parvenir à une solution du conflit régional. Seuls des pourparlers dans le cadre d’une relation de respect et d’ouverture amèneront une paix véritable avec les Arabes de l’intérieur et de l’extérieur ; une paix qui mettra fin à toutes les peurs et les menaces dans la région.
Abir Kobty
Ynet (Yediot Aharonot), 3 octobre 2006
www.ynet.co.il/articles/0,7340,L-3310260,00.html
(Traduction de l’hébreu : Michel Ghys)
CAPJPO-EuroPalestine