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Jérusalem : Israël veut faire entériner son annexion à Annapolis

Le quotidien italien Il Manifesto reprend les arguments de Jeff Halper, responsable de l’ICAHD*, selon lequel non seulement il n’y aura aucune avancée à Annapolis, mais au contraire un risque que l’annexion de Jérusalem par Israël soit officiellement entérinée.


« Jérusalem est et restera israélienne »

Pour un anthropologue rompu à l’engagement politique comme Jeff Halper, la réalité n’est pas difficile à interpréter. Et les prévisions sont presque automatiques. La rencontre d’Annapolis, prévue dans une dizaine de jours, à laquelle l’administration Bush attribue un pouvoir miraculeux, non seulement n’offrira pas de solutions dans la ligne du droit international mais se déroulera selon un programme déjà défini avec grande anticipation par Israël. C’est un parcours, explique l’expert israélien, qui est destiné à convaincre la direction palestinienne de renoncer à la Jérusalem arabe (Est), occupée militairement depuis 1967, en échange d’une vague souveraineté sur quelques quartiers ou faubourgs de la ville habités par des Palestiniens. « C’est un projet politique, explique Halper, coordinateur de l’Icahd (Israeli Commette Against Houses Demolitions )- qui a démarré immédiatement après l’occupation par la construction des colonies juives dans la zone Est où désormais, 40 ans après, vivent environ 200 mille colons Israéliens ». Cependant, ajoute l’anthropologue, pour annexer de façon définie Jérusalem Est à Israël, et garder toute la ville sous une majorité juive, construire des logements ne suffit pas ». Dans la redéfinition des frontières qu’avaient et ont à l’esprit les dirigeants politiques israéliens, il faut rejeter hors de la ville le plus de palestiniens possible ».Il n’est pas surprenant, dit-il, « que les quartiers palestiniens à haute densité de population aient été exclus de la ligne rouge qui définit la zone sur laquelle est en train de sortir le Grand Jérusalem. En résumé, ils ont annexé des zones qui autrefois ne faisaient pas partie de Jérusalem et ils ont expulsé des zones qui y étaient auparavant incluses ».

Le premier ministre Olmert et ses collaborateurs vont aller à Annapolis bien décidés à arracher au président palestinien Abu Mazen ce « oui » que l’ex-premier ministre Ehud Barak n’est pas arrivé à obtenir du raïs Arafat. Ils iront aux Etats-Unis avec le Grand Jérusalem en tête, un projet qui, pas à pas, est en train de transformer la Ville sainte en une véritable région fichée, comme un coin, dans le cœur de la Cisjordanie, en la rompant en deux.

« Quand on parle d’Etat Palestinien, un état souverain qui peut se soutenir économiquement, nous faisons référence, non pas à une peau de léopard, mais à un territoire homogène dont toutes les parties soient reliées par un réseau routier – déclare le géographe Khalil Tufakji, expert palestinien connu de Jérusalem. Il faut, par exemple, qu’il y ait une autoroute qui mette en communication le nord avec le sud de la Cisjordanie, pour le déplacement des biens et des personnes, sinon on ne peut pas parler d’un vrai Etat ». D’un point de vue géographique, explique Tufakji, le transit entre le nord et le sud de la Cisjordanie s’interrompt entre la colonie juive de Maale Adoumim et Jérusalem Est. « A cet endroit là, poursuit-il, Israël est en train de construire une zone qui s’appelle « E 1 », qui ferme le seul corridor qu’ont les Palestiniens, et les oblige à passer par Jérusalem pour pouvoir se rendre du nord au sud. En substance, dans l’avenir, les Palestiniens seront sous contrôle constant parce que pour se déplacer le long de leur territoire ils devront demander une autorisation à Israël ».

Le mur de séparation construit autour de Jérusalem (181 Kms), explique Tufakji, « est une partie essentielle du projet concernant la zone « E 1 » : d’un côté il délimite le territoire palestinien qu’Israël entend annexer et de l’autre il isole les 250.000 palestiniens de Jérusalem Est de leur Etat et de Ramallah, la plus importante ville de Cisjordanie. Le mur garantit en outre l’annexion de tous les blocs de colonisation autour de la ville et leur expansion sur les terres palestiniennes confisquées pendant la construction de la barrière ». Le gouvernement Olmert, ne tenant pas compte des objections, faibles et incertaines, des Etats-Unis, est décidé à aller de l’avant et décrit le projet pour la zone « E 1 » comme un passage nécessaire pour garantir la « sécurité » de Jérusalem, entièrement sous souveraineté israélienne, à l’exception, comme explique Halper, des zones densément peuplées par des palestiniens. Fin septembre, il a à cet effet relancé le projet et ordonné la confiscation des terres palestiniennes adossées à Maale Adoumim qui, grâce à la construction de 3500 autres maisons pour les colons, se retrouvera reliée à Jérusalem. Les confiscations concernent 110 hectares de terres d’Abu Dis, Sawahreh a-Sharqiye, Nabi Mussa et Khan Ahmar, dans les environs de Jérusalem Est et sur la route qui conduit à Maale Adumim. Ce faisant, les Palestiniens perdront la continuité territoriale avec la vallée du Jourdain.

C’est le « martyre de la paix  » Yitzhak Rabin qui a lancé le projet « E 1 » en 1994. Pendant qu’il allait retirer son prix Nobel de la paix, en même temps que Yasser Arafat et Shimon Peres, alors ministre des Affaires Etrangères, le premier ministre israélien, assassiné il y a 12 ans par un extrémiste de droite juif, garantissait le développement des colonies et l’annexion, de façon dilatée par rapport à1967, de la Jérusalem palestinienne. Le projet « E 1 » fut gelé en 2005 sous la pression de Washington, et a repris son développement, comme par hasard, juste après l’annonce de la rencontre d’Annapolis faite par Georges Bush. « L’expansion des colonies dans la région de Jérusalem va miner, anéantir même, les efforts de paix », a déclaré Saeb Erekat, négociateur palestinien et proche collaborateur de Abu Mazen. Mais l’Anp n’a jamais posé comme condition pour aller à Annapolis l’arrêt des projets israéliens à Jérusalem et dans les Territoires occupés.

A Annapolis, Abou Mazen court le risque concret de se voir accuser, exactement comme ce qui était arrivé à son prédécesseur à Camp David, de n’avoir pas accepté les « offres généreuses » (le contrôle de quelque quartier arabe) présentées par Olmert sur Jérusalem et la Cisjordanie (Gaza, étranglée par le blocus économique et militaire, est, formellement, un territoire qu’Israël a restitué aux Palestiniens). « On joue avec le feu car cette terre déterminera si on aura ou non la paix – souligne Halper. Israël a le contrôle de tout Jérusalem, des frontières, des routes et de l’eau. Et dans ces conditions, comment un Etat palestinien pourra-t-il se construire ? ».

MICHELE GIORGIO
Jérusalem

Edition de dimanche 18 novembre 2007 de il manifesto
http://www.ilmanifesto.it/Quotidiano-archivio/18-Novembre-2007/art37.html

Traduit de l’italien par Marie-Ange Patrizio

CAPJPO-EuroPalestine