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VIOLATION DES DROITS DE L’HOMME DANS LES TERRITOIRES : LE RAPPORT PONSIN/BOUDJERADA

RVoici le rapport de la mission d’observation sur la question des violation des droits humains dans les territoires occupés, effectuée du 11 au 17 mars par Maître Nathalie BOUDJERADA Avocate à la Cour d’Appel de Paris et le Docteur Jean-Claude PONSIN, à la demande de la « Commission arabe des droits humains ».
Médecin


RAPPORT DE MISSION D’OBSERVATION SUR LA QUESTION DES VIOLATIONS DES DROITS HUMAINS DANS LES TERRITOIRES OCCUPÉS
DU 11 AU 17 MARS 2002

 » Nous, Nathalie Boudjerada et Jean-Claude Ponsin, avons été mandatés par la Commission arabe des droits humains pour effectuer une mission d’enquête dans les territoires palestiniens occupés et en particulier sur la situation humanitaire dans les camps palestiniens.

Les difficultés que nous avons rencontrées dans l’accomplissement de cette tâche sont celles que connaissent quotidiennement les Palestiniens et qui résultent du bouclage de leurs territoires par l’armée. Nous avons pris des clichés photographiques qui attestent de ces difficultés.
Nous avons par contre reçu un accueil chaleureux et une aide certaine de Mme Claude Leostic, enseignante vivant à Naplouse et membre du bureau de l’association française AFPS (France Palestine Solidarité), des militants des droits de l’homme en Palestine, particulièrement M. Mohammad Abu-Harthieh, du Jerusalem Center for humans rights, de M. Khalil Lufti, du PARC de Naplouse, de M. Abu Noual l’association Al Mezan de Gaza, de M. AbdelFattah Abu-Srour du camp de Aida, de M. Pierre-Yves Salingue de Bethlehem.
Des enseignements précieux nous ont également été donnés par M. Haidar Abd El-Shafi, de Gaza, et par Lea Tsemel, avocate israélienne qui défend depuis plus de 20 ans les droits des Palestiniens.

Nous nous sommes ainsi rendus du 11 au 17 mars 2002 à Jérusalem, Naplouse (camp de réfugiés de Balata), à Gaza (camp de réfugiés de Jabalia), Ramallah et Bethléem (camps de réfugiés de Deheisheh et de Aida).
Nous y avons rencontré des habitants des camps palestiniens, des membres d’ONG, des avocats palestiniens et israéliens, des étudiants, des médecins et des blessés qui ont témoigné de leurs conditions de vie sous l’occupation et qui dénoncent, avec calme mais non sans émotion, les violations énumérées dans le présent rapport.

Restrictions à la liberté de circulation
(article 33 de la Convention de Genève)
Il est impossible de faire aujourd’hui en Palestine un projet de déplacement.
L’armée israélienne établit en effet des barrages sur les routes, certains fixes, à l’entrée des villes ou des gros bourgs et de nombreux autres provisoires et aléatoires. Tout déplacement est donc soumis au bon vouloir du soldat israélien qui contrôle le barrage, et donne ou refuse le passage en fonction de critères inconnus de la population palestinienne. Pour celle-ci, les contrôles aux “check-points” appartiennent au domaine de l’arbitraire et de l’absurde et chaque déplacement devient une loterie. Nul ne sait s’il pourra se rendre sur son lieu de travail, à l’école, à l’hôpital ou en visite familiale et quand il pourra en revenir.
Les véhicules qui n’ont pas de plaques d’immatriculation israéliennes ne peuvent en général pas passer, si bien que les gens prennent des taxis qu’ils laissent au check-point, traversent celui-ci à pied quand ils le peuvent et prennent un autre taxi jusqu’au prochain check-point. Le temps perdu est très important et il faut parfois plusieurs heures pour parcourir quelques kilomètres.
Nous avons été témoins et victimes de ces violations à la liberté de circulation.
Notre programme a été bouleversé dès le premier jour par le bouclage de la ville de Ramallah où nous avions des rendez-vous. Nous avons donc décidé de nous rendre à Naplouse, en nous joignant à une délégation française, guidée par Mme Claude Léostic, qui bénéficiait de la protection d’une voiture du Consulat de France et a donc pu emprunter la “route des colons”.
Cette route, qui fait partie du réseau reliant des colonies israéliennes établies en Cisjordanie, et est de fait un morceau d’Israël dans le territoire palestinien, mène directement au check-point établi à l’entrée de Naplouse, que nous avons franchi sans difficulté grâce à la voiture diplomatique.
Pour revenir de Naplouse, sans l’aide diplomatique, nous avons renoncé à prendre la même route avec un taxi palestinien qui n’aurait pas franchi le barrage routier. Nous avons donc emprunté la route de contournement utilisée par les Palestiniens, jusqu’à la tranchée creusée par l’armée israélienne, infranchissable en voiture. Là se trouvent des voitures tractées par des ânes, qui permettent, à travers champs, de rejoindre une autre tranchée où attendent des taxis palestiniens. Sur le trajet de cette route en terre, les occupants d’un véhicule blindé israélien exercent un contrôle “souple” et laissent passer les voyageurs après avoir vérifié leur identité et fouillé leurs bagages.
Le taxi nous a emmenés jusqu’au check-point de Qalandia, à l’entrée de Ramallah, que nous avons franchi à pied, un autre taxi nous a conduit au check-point intermédiaire, à trois kilomètres, que nous avons aussi franchi à pied et enfin le dernier taxi nous a permis de rejoindre Jérusalem.
Le voyage aller Jérusalem Naplouse a duré quarante minutes, le voyage de retour trois heures.

Deux jours plus tard nous avons passé, à pied, le barrage routier de Qalandia pour nous rendre à Ramallah.
Nous nous sommes mis en file, avec les Palestiniens, et avons assisté au tri des voyageurs, conduit par un soldat israélien en armes, casqué, avec gilet pare-balles. Plusieurs chars se trouvaient à cet emplacement, et des soldats tout autour, certains sur un monticule voisin, tenaient leur fusil d’assaut pointé sur la foule. Un jeune palestinien a tenté de passer outre au contrôle et les soldats ont tiré en l’air pour le faire revenir dans le rang. Quelques instants plus tard la file s’étant rapprochée du soldat contrôleur, c’est encore à coups de fusil qu’on l’a priée de reculer.
Les Palestiniens autorisés à passer sont dirigés vers un couloir constitué de barrières métalliques, si bien que cette sélection ponctuée de coups de feu ne manque pas d’évoquer le tri du bétail par les cow-boys du Far-West.
Le soldat n’a fait aucune difficulté à nous laisser passer, grâce à notre passeport, par contre la majorité des Palestiniens étaient refoulés malgré leurs tentatives d’explication.

Dans la bande de Gaza, il nous a été impossible de visiter les camps du sud, surtout Khan Younis et Rafah, le check-point de Netzarim étant hermétiquement fermé depuis plusieurs jours. Nos correspondants palestiniens nous ont demandé de ne pas essayer de passer à pied avec les Palestiniens, par des chemins en bordure de la mer, l’armée israélienne prenant fréquemment les marcheurs pour cible.

Pour atteindre Bethlehem, le lendemain, nous avons franchi, toujours à pied, le check-point qui se trouve près du tombeau de Rachel, et nous avons pu voir, alignés contre un mur, une dizaine de Palestiniens surveillés par des soldats en armes, qui avaient été arrêtes, probablement au cours du contrôle.

Les barrages routiers mis en place par l’armée israélienne sont donc également des lieux qui allient arbitraire et humiliation systématique de la population palestinienne.

Destruction de l’économie palestinienne
Les différentes occupations par l’armée israéliennes des zones A (sous direction strictement palestinienne) ont donné lieu à des destructions volontaires de constructions sans intérêt militaire, non accidentelles ni “collatérales”..
L’infrastructure routière a été sérieusement endommagée par le passage des véhicules blindés qui ont détruit le revêtement asphalté dans toutes les zones que nous avons visitées, brisant au passage les pylônes supportant les lignes électrique et téléphonique et écrasant les voitures en stationnement, qu’il leur était facile d’éviter.
La route principale de Bethlehem, reliant Jérusalem à Hebron, est dans un état lamentable. Il en est de même à Naplouse et à Ramallah.
Tout autour des camps de réfugiés et à l’intérieur de ceux-ci l’armée a creusé des tranchées profondes pour empêcher la circulation des voitures et a endommagé sérieusement les conduites d’eau, les égouts, et les différents circuits enterrés. Plusieurs jours après le retrait de l’armée des camps, les différentes canalisations n’avaient toujours pas pu être réparées.
L’armée, ses snipers et ses hélicoptères, visent particulièrement les installations d’eau sur les toits des maisons. Celles-ci servent au stockage et au réchauffement par l’énergie solaire. Dans les camps, ces installations sont systématiquement détruites.

Dans le camp de Jabalia nous avons constaté la destruction systématique, à la dynamite, de trois ateliers de fabrication mécanique. Les machines ont été détruites méthodiquement. Leur remplacement nécessitera un investissement de plusieurs centaines de milliers de dollars et il est pour le moment impossible. La perte du produit national est très importante et plusieurs dizaines d’ouvriers sont au chômage.
A Deheisheh c’est l’imprimerie du camp qui a été saccagée. Les ordinateurs, téléviseurs et machines d’impression d’une grande valeur ont été détruits.

Sous le prétexte de lutter contre le terrorisme, des milliers d’hectares de cultures ont été rasés. De nombreuses serres de Gaza et des milliers d’arbres, en particulier des oliviers et des palmiers dattiers ont été déracinés. Ces destructions sont particulièrement visibles dans la région de la colonie de Netzarim, au centre de la bande de Gaza.

Dans tous les lieux que nous avons visités, la destruction des maisons a été systématique.
Nous ne parlerons pas ici des démolitions au bulldozer des maisons arabes de Jerusalem-est, parce que construites sans permis de construire, alors que ce permis n’est en général pas accordé malgré le développement naturel des familles résidentes. On en revient ici aussi à l’absurdité qui, en fait, a pour dessein l’éloignement de Jérusalem de la population arabe.
Toutes les autres démolitions ont pour raison officielle un accroissement de la sécurité.
C’est ainsi qu’une soixantaine de maisons ont été rasées en février à Rafah, dans la bande de Gaza, exaction qui est un crime de guerre aux yeux de la Convention de Genève et qui a provoqué un refus d’obéissance de nombreux officiers et soldats d’Israël.
Dans tous les camps que nous avons visités plusieurs lieux d’habitation, dont des immeubles de plusieurs étages ont été détruits à la dynamite sous le prétexte qu’ils avaient abrité un “terroriste”.
Dans le camp de Belata, nous avons rencontré Mlle Yousef AWAS âgée de 27 ans. Elle nous explique qu’elle a assisté à l’explosion de leur maison qui a été bombardée par l’armée israélienne. Fort heureusement, prévenue par les voisins qui avaient vu le rayon laser viser sa maison, elle a pu s’échapper avec son père et ses frères. La maison a été détruite et elle et son cousin ont été blessés au dos, à l’abdomen et aux jambes.
Cette famille nous explique que leur maison a été visée parce que leur frère est recherché par l’armée israélienne.
Dans le camp de Jabalia, deux des ateliers détruits se situaient au rez-de-chaussée de petits immeubles qui ont été dynamités. Les familles qui logeaient dans ces édifices sont aujourd’hui sous la tente et les anciens se retrouvent dans la situation de 1948.
Seize maisons d’habitation sont également menacées de destruction dans le village de Deir El Balah, près de la colonie de Netzarim, des chars israéliens ayant été détruits par des mines à proximité de celui-ci. Les avocats palestiniens ont saisi la Cour suprême de Jérusalem, mais ils savent par expérience que leur demande a peu de chance d’aboutir contre une décision de l’armée.

L’armée israélienne a par ailleurs bombardé les camps avec l’aviation et les chars, parfois même à l’aide de l’artillerie de marine comme à Jabalia (les fragments d’obus retrouvés sur place ne laissent aucun doute sur l’utilisation de cette arme particulièrement destructrice). Des centaines de maisons d’habitation ont été endommagées à l’occasion de ces bombardements (nous parlerons plus loin des victimes civiles).

Enfin au cours du mois de mars l’armée israélienne a largement utilisé les techniques de la guérilla urbaine pour investir les camps de réfugiés palestiniens en limitant ses pertes. C’est ainsi qu’à Balata, Deheisheh et Aida l’armée a investi les maisons pour pratiquer dans les murs des orifices laissant le passage d’un homme, de façon à sauter les ruelles en passant de maison en maison. Le chemin était fléché à la peinture noire et permettait è la troupe de traverser le camp sans emprunter les rues, en restant à l’abri des maisons. Pendant toute la durée de l’opération les familles ont été cantonnées dans une pièce, prises en otages par les soldats. Il est inutile de dire que cette utilisation de la population civile en protection d’une armée constitue une violation grave de la Convention de Genève.

Agression physique contre la population civile
Les victimes civiles ont été particulièrement nombreuses au cours du mois de mars à la suite de l’occupation des villes et des camps palestiniens par l’armée israélienne.
Nous avons recueilli des témoignages d’habitants, tel celui de M. Ibrahim Otwan, pharmacien, 56 ans, marié, deux enfants, dont le domicile à Ramallah, proche de l’immeuble du PARC, fait face à une école de garçons. Il nous explique que le 14 mars au matin les tanks et les soldats ont tiré sur sa maison, en détruisant le porche et que c’est miracle qu’aucun membre de la famille ait été blessé. Il a réussi à hurler qu’il n’était pas un terroriste et à ouvrir la porte aux soldats qui ont fouillé et saccagé la maison avant d’enfermer la famille et deux voisins pendant 39 heures dans une pièce. Trois jours plus tard cet homme était encore terrorisé à l’évocation de cet incident.
Dans le camp d’Aida nous avons rencontré dimanche 17 mars M. Ismail Kaouedja, père de cinq enfants dont la mère, âgée de 36 ans a été tuée par l’armée israélienne à l’occasion de l’invasion du camp, le 15. Il raconte :
“Vendredi matin à 10 heures, ma femme qui allait préparer le petit-déjeuner a entendu l’armée. Elle pensait que les soldats allaient rentrer par la porte et s’apprêtait à leur ouvrir. Au lieu de frapper à la porte, ils ont lancé un obus de char. J’ai trouvé ma femme dans la fumée, la main coupée. J’ai fait un garrot. Une trentaine de soldats ont pénétré la maison, certains m’ont menacé et m’ont demandé ce que je faisais. Je leur ai répondu “j’essaie de sauver ma femme”. J’ai demandé une ambulance, on me l’a refusé puis ils ont exprimé leur accord pour que je puisse l’appeler. Un soldat qui avait une formation de secouriste a bandé l’abdomen de ma femme puis j’ai appris que les ambulances ne pouvaient accéder au camp. J’ai fait un appel à la télévision locale. J’ai vainement attendu l’ambulance alors que ma femme faisait une hémorragie. La DCO (Organisation israélo-palestinienne qui coordonne les actions, notamment, relatives à l’évaluation des blessés) a donné son accord pour l’évacuation de ma femme. J’ai vainement attendu l’ambulance près de la mosquée. Il y avait un tank qui obstruait la venue des ambulances. L’ambulance est finalement arrivée une heure après le début des opérations. J’ai laissé mes cinq enfants. Lorsque je suis arrivé à l’hôpital, j’ai compris que ma femme était décédée”.
Ce récit correspond point pour point à ce qu’a rapporté la télévision israélienne (Chaîne II), à la seule différence que les soldats ont fait sauter la porte non avec un obus de tank mais avec une charge explosive. La télévision ne relate cependant pas le fait que la femme est morte d’une hémorragie interne parce que l’ambulance est arrivée trop tard. Un autre détail n’est pas mentionné : les soldats se sont installés dans l’école de filles du camp, qui avait été largement mitraillée lors de l’invasion d’octobre 2001, alors qu’il s’agit d’un territoire des Nations-Unies qu’atteste d’ailleurs la présence du drapeau de L’UNRWA, qui gère l’école.
A la recherche d’autres témoignages, nous avons visité plusieurs hôpitaux.
Le directeur de l’hôpital Al Inqda de Naplouse, association charitable qui a un contrat avec l’UNRWA, nous dit qu’il a reçu 65 blessés graves en une seule nuit, pendant l’invasion du camp. La plupart de ceux-ci étaient blessés par balles réelles, pas même revêtues de caoutchouc, et étaient touchés dans la partie supérieure du corps.Les soldats, tireurs d’élite en l’occurrence, tiraient à l’évidence pour tuer.
Nous avons rencontré des blessés hospitalisés à l’hôpital Rafidia de Naplouse, qui dispose d’unités chirurgicales et a reçu 254 blessés depuis le 20 février, provenant de Tulkarem, Qalquidia et Naplouse et 29 corps de personnes mortes pendant le transport. Nous avons été autorisés à entrer dans l’unité de soins intensifs et nous avons pu parler aux personnes suivantes :
M. Issam Mahmoud Khattab, 20 ans, originaire de Gaza, policier du camp de Balata, a été blessé par balle à la poitrine et à l’abdomen le 10 février et a subi une colostomie et une thoracotomie.
M. Abdelgani Taiseer Sallam, 31 ans, peintre en bâtiment, a été blessé au bras le 28 février, probablement par l’explosion d’un obus de tank , alors qu’il était dans la rue la nuit en compagnie de deux autres personnes, blessées également aux jambes et à l’abdomen. Il a été amputé d’un doigt.
M. Sameh Abou Kieskh, 15 ans, écolier, a été blessé par balle alors qu’il s’approchait d’un tank dans le but d’y fixer un drapeau palestinien !!
M. Thabet Abou Zaroor, 24 ans, pompier de Naplouse, assistait à des funérailles avec des amis lorsqu’ils ont été blessés par des balles de mitrailleuse provenant de la montagne qui domine la ville, où est installée une unité de l’armée israélienne.
M. Jihad Fadel Thaer, 18 ans, étudiant, se promenait dans le camp de Balata le 28 février à 8 heures du matin, lorsqu’il a été atteint à la jambe gauche d’une balle tirée par un sniper.
M.Ali Mohamed Ibrahim Khewisch, 28 ans, commerçant, habitant du camp de Jenin, déambulait dans les rues le 2 mars vers minuit. Il a été touché par le tir d’un sniper. L’humérus de son bras droit a subi de multiples fractures et il présente des lésions nerveuses. Il a dû subir une intervention.
M. Lismak Hassan Mohamed Sabbag âgé de 16 ans, habitant le camp de Jenine, était devant sa maison lorsqu’il a été victime d’un tir de sniper qui a broyé son pied droit. Il nous précise que le lendemain deux de ses cousins et deux oncles ont été tués par balles tirées à la mitrailleuse.
Mlle Esmah Kamal Saleh, 21 ans, étudiante en troisième année de mathématiques, habitante du camp de Jenine, alors qu’elle était chez elle, a été touchée par un tir à la tête. Elle a dû subir une énucléation de l’œil gauche. Elle présente actuellement une hémiplégie partielle de la jambe droite, des troubles de la mémoire et une baisse de la vue de l’œil droit.
Elle était chez elle, des snipers ont tiré par la fenêtre de sa maison.
Son frère qui a également été l’objet de tirs de sniper a été blessé à la poitrine et l’épaule. Il est âgé de 16 ans.
M. Kamel Athia Salam Youssef, 35 ans, ouvrier en bâtiment, habitant de Qalqylia, a été victime de blessures à la poitrine et à la colonne vertébrale le 8 mars alors qu’il revenait de son travail dans l’après-midi. Il a subi une laminectomie et est paraplégique.
M. Mohamed Faiez Nouaerat, 19 ans, policier, habitant de Jenine, a été atteint le 3 mars à 7 heures par trois balles tirées par un sniper. Ses reins, son dos et ses jambes ont été atteints.
Mme Faouzia Kfah, 32 ans, était chez elle. Elle est sortie pour faire rentrer son plus jeune frère et a alors été blessée au bras. Elle présente des lésions neurologiques (elle ne peut plus remuer la main).
Mme Imad Mourabi nous dit que son fils de 27 ans, qui faisait partie du comité de défense du camp, a été touché par dix balles tirées par des commandos israéliens, le 27 février.
Il nous indique qu’il était le soutien de famille, qui faisait vivre huit personnes.
Nous apprenons également que l’un de ses frères, âgé de 14 ans, a été tué lors de la première Intifada.

A l’hôpital Makaset de Jérusalem, nous rencontrons :
M. Adnan Ajarma, 40 ans, 4 enfants, administrateur de cet hôpital, vivant dans le camp de Aida. Il était réuni avec des membres du Comité de direction du camp à Aida, vendredi 8 mars vers une heure du matin. Les hélicoptères mitraillaient le camp. Il a voulu aller aider un ami blessé dans la rue (cet ami était en fait mort) et a été touché au poumon droit. Il est resté dans le coma 36 heures et s’est réveillé à l’hôpital.
M. Mohamed ***, 40 ans, a été atteint le 3 mars par une balles dans la région C5-C6, alors qu’il était dans son jardin. Il est tétraplégique et sous assistance respiratoire.

A l’hôpital Schiffer de Jabalia, dans la bande de Gaza, le Dr Hassani Mohaouia nous dit que dans la nuit du 14 au 15 mars il est revenu de Deir El Balah avec trois nouveaux nés en incubateur, qui souffraient d’une insuffisance respiratoire. Il a été arrêté une heure quarante cinq minutes au point de contrôle de Netzarim et un des bébés est mort dans l’ambulance. Sa maman s’appelle Anah Abouzeit, de Deir El Balah.
Il nous rappelle que pendant ces dernières semaines, qui ont vu l’invasion des zones A par l’armée israélienne, cinq membres du corps médical dont deux médecins ont été tués, 15 blessés, et 22 femmes ont accouché alors qu’elles étaient bloquées aux check-points.
Dans cet hôpital nous rencontrons les personnes suivantes :
M. Baajad Salem Abou Skhela, 20 ans, étudiant à l’université Al Aqsa, habitant du camp de Jabalia, blessé alors qu’il marchait dans la rue le 11 mars, par un tir d’hélicoptère. Il a été touché à l’abdomen et a dû attendre très longtemps une ambulance. Il nous dit que le même jour ses deux frères sont morts au même endroit.
M. Adam Fatti Daoud, 20 ans, élève d’un lycée, a été blessé par des tirs provenant d’un tank. Il souffre de fractures du pelvis, du fémur et de l’articulation droite.
M. Mazan Saaber Amad Aboud, 28 ans, a été touché le 11 mars par un tir de mitrailleuse de tank alors qu’il portait secours à un ami blessé dans la rue. Il présente des fractures du tibia gauche, du fémur et du tibia droits.
M. Mustapha Jamdil, 28 ans, policier, revenait chez lui, dans la ville de Gaza, lorsqu’il a été atteint par des tirs en provenance de la mer. Sa main droite est broyée. Il nous dit que cette même nuit 4 personnes ont été tuées au même endroit, dont un chauffeur d’ambulance.

Agression psychologique contre la population civile.
A l’occasion de la dernière offensive de l’armée israélienne, la population civile a été terrorisée de multiples façons.
Les avions F16 et les hélicoptères Apache, qu’aucun projectile palestinien ne peut atteindre, rôdent dans le ciel et bombardent à l’occasion. La seule présence de ces engins de mort dans le ciel suffit à semer la terreurÊ: nous en avons été témoins personnellement.
Les énormes engins blindés israéliens sur lesquels ricochent les balles des policiers palestiniens, qui écrasent tout sur leur passage, canalisations, poubelles, voitures et poteaux métalliques, qui marquent profondément l’asphalte et détruisent les trottoirs, ressemblent à des monstres venus d’une autre planète et contribuent donc à terroriser la population civile, en particulier les enfants.
Même pendant les périodes d’accalmie, tout rappelle aux Palestiniens que leur terre est occupée par l’étranger. Les colonies israéliennes s’étendent en encerclant les villes et villages de Palestine et s’installent, menaçantes, sur les hauteurs. Nous avons pu les voir à Naplouse et Balata, à Ramallah et surtout à Aida, dominé par Gilo et à Beit Sahour écrasé par Har Homa.
A Jérusalem même, les soldats israéliens sont omniprésents et les colons se promènent en armes, le pistolet bien en vue à la ceinture. Il en est de même à Hébron, où nous n’avons pu aller à l’occasion de ce voyage, mais que nous avons visité il y a quelques mois.
Mais c’est évidemment au cours des invasions de l’armée que la terreur est la plus grande.
Nous avons pu recueillir de nombreux témoignages :
A Deheisheh, camp de Bethlehem, l’armée a réuni les hommes de 15 à 55 ans, les a ligotés, aveuglés par un bandeau et interrogés pendant deux jours. Nous avons recueilli le témoignage de M. Ahmed Mennaoui, 23 ans, étudiant, convoqué le 10 mars à 7h30 dans l’atelier de taille de pierres Nasser pour un contrôle d’identité (rappelons que tous ces hommes sont des palestiniens et qu’ils vivent en zone A, sous contrôle administratif et policier de l’Autorité palestinienne). Il nous expliqué :
“On nous a séparé en deux groupes, le premier groupe a été conduit à Gush Azion(colonie israélienne), le deuxième à Nazar. On nous a bandé les yeux, nous sommes restés assis les mains ligotées, les yeux bandés après nous avoir déshabillé et nous avoir fait porter un brassard. A 19 heures nous avons été interrogé par des soldats du Shinbeth (Service de contre espionnage israélien). On m’a photographié et demandé de procéder à des dénonciations. J’ai refusé. On m’a demandé de collaborer en contrepartie de la prise en charge de mes études car celui qui m’interrogeait savait que je n’ai que de très faibles ressources pour étudier. Il m’apparaît que cette opération avait pour objectif de recruter des “collaborateurs” et de procéder à des dénonciations. On m’a demandé d’identifier des personnes sur la base de photographies. J’ai refusé. Ils m’ont raccompagné en Jeep jusqu’à l’usine de Nasser puis je suis rentré à pied”.
Interrogé sur sa réalité d’étudiant, il précise :
“L’université de Bethlehem a été touchée par une roquette. Cela fait dix jours que je ne vais pas à la faculté. Pour financer mes études je travaillais à l’hôtel Intercontinental de Bethlehem qui est, depuis le siège, investi par l’IDF, avec ses snipers, qui retiennent le directeur de l’hôtel, hollandais, et 7 autres personnes qui sont toujours retenues à l’intérieur de l’hôtel”.
Dans l’imprimerie de ce même camp de Deheisheh, détruite par l’armée comme nous l’avons dit plus haut, les soldats ont tout saccagé et se sont livrés à des actes hautement symboliques. Ils ont en particulier fait de nombreuses inscriptions certaines en hébreu mais d’autres en anglais, telles que “I hate you”, pour montrer qu’ils sont les maîtres, et ils ont mis bien en évidence sur une table l’ours en peluche d’un enfant de la famille de l’imprimeur, à qui ils avaient coupé la tête et qu’ils avaient émasculé (nous avons la photo).
Dans tous les camps que nous avons visités, les soldats ont parqué les familles des immeubles les plus hauts dans une pièce pour occuper le reste de la maison (et en général le saccager) et poster les snipers sur le toit.
Mme Amsallah Abu Rialeh, 53 ans, du camp de Balata, à Naplouse, nous explique qu’elle était à la maison. L’armée a voulu pénétrer dans son domicile mais elle a refusé. Les soldats ont alors forcé la porte et ont investi les lieux à soixante, avec des chiens.
La famille a été réunie dans une pièce pendant deux jours.
On leur a retiré leur carte d’identité et volé des effets personnels.
Les enfants ont été tellement choqués qu’ils n’ont plus parlé pendant plusieurs heures.
Nous donnons ci-dessous la parole à un habitant du camp d’Aida :
“Le sept mars de l’an 2002, les missiles israéliens et les mitrailleuses lourdes des hélicoptères Apache et des tanks israéliens ont transformé la terre d’Aïda en volcan… La terre est devenue brûlante et bouillonnante…. Le feu s’échappait des voitures bombardées et des maisons mitraillées… Le sang des personnes innocentes et des animaux inondait le goudron de la rue du camp et le ciment du sol des maisons…”

Conclusion
Nous sommes indignés et nous réclamons justice, en particulier :
– l’intervention d’une force de protection, avec la présence d’observateurs des Nations-Unies,
– le démantèlement de toutes les colonies israéliennes dans les territoires occupés,
– le retrait de l’armée israélienne d’occupation de tous les territoires occupés,
– la mise en jugement devant des tribunaux compétents de tous ceux qui ont commis des crimes de guerre contre les Palestiniens

Pour terminer, nous donnerons encore la parole à un habitant du camp d’Aida, le Dr AbdelFattah AbouSrour :
Personne ne pourra dire aujourd’hui qu’il ne savait pas… qu’il n’a pas été informé….
Je crie comme Emile Zola : J’ACCUSE
Je vous accuse d’être témoins des massacres et de ne rien faire….
Votre silence est hypocrisie…
Votre silence permet le massacre de tout un peuple…
Votre silence est un bon prix pour l’oppression et l’injustice…
Votre silence est contre les droits de l’homme, contre les droits légitimes d’un peuple à vivre en dignité…
Votre silence est contre les droits des enfants à vivre comme des enfants en toute innocence et en toute joie…
Votre silence sacrifie des embryons pas encore nés, des femmes enceintes qui n’ont pas accouché, des enfants qui n’ont pas encore appris à parler, des vieux qui vivent un rêve de retour à leurs terres ancestrales, des jeunes qui ont la force d’espérer, de vivre et de résister à l’oppression, à la négation, à l’abandon et à l’oubli….
Votre silence est injuste…
Votre silence est inhumain…
Votre silence nous tue…