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LETTRE OUVERTE AU CRIF

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« Notre surprise et notre indignation sont grandes face à l’attitude du CRIF (Conseil Représentatif des Institutions juives de France) et à sa réponse au regard des sites d’extrême-droite qui se revendiquent du judaïsme et emploient des méthodes intolérables, dont l’appel au lynchage de ceux qui réclament une paix juste au Proche-Orient.


Interrogé par le journaliste du Monde (daté du vendredi 23 août), sur le fait que le CRIF recommande de tels sites, Haim Musicant, directeur du CRIF, a répondu : « le fait de renvoyer à un site ne veut pas dire que l’on approuve son contenu au jour le jour. Nous faisons confiance à l’internaute pour être vigilant ».
Nous aimerions que le CRIF nous dise quel jour le contenu de ces sites lui a paru acceptable, alors que les propos racistes, orduriers et les menaces physiques y sont quotidiens. A l’heure où nous vous adressons cette lettre, nous sommes choqués de constater que le CRIF continue à conseiller la visite de sites internet qui renvoient à amisraelhai.org et cpiaj.fr.st, sites qui ont appelé à notre lynchage et regretté que certains d’entre nous aient survécu aux camps de concentration et au ghetto de Varsovie.
Nous sommes d’autant plus inquiets que ces mêmes extrémistes pro-israéliens, qui ont fait assassiner Itzhak Rabin, ne se contentent pas de rester dans le monde du « virtuel » : ils sont déjà passés à l’acte en France, et leurs agressions physiques sont même de plus en plus fréquentes et violentes.
Le CRIF n’a jamais condamné les agissements criminels d’organisations de type paramilitaire telles que le BETAR ou la Ligue de Défense Juive, qui saccagent les locaux d’associations démocratiques ou de librairies réclamant des droits pour les Palestiniens, qui blessent des manifestants, organisent des « ratonnades » et vont jusqu’à poignarder un commissaire de police alors qu’il essayait de protéger des passants, comme ce fut le cas le 7 avril dernier à Paris, en marge de votre manifestation en faveur de Sharon.
Au contraire, vous entretenez de bonnes relations avec eux, leur permettant notamment d’assurer le service d’ordre de vos manifestations. En fait, le CRIF se conduit comme une officine du gouvernement israélien et devient ce faisant un vecteur de l’antisémitisme, en interdisant toute critique de la politique israélienne, et en revendiquant constamment un statut à part pour l’Etat d’Israël.
Mais, l’Etat d’Israel est un Etat comme un autre, avec les mêmes droits et les mêmes devoirs, et doit impérieusement être considéré comme tel. Au nom de quoi pourrait-il bafouer le droit et les lois internationales tout en bénéficiant d’une impunité totale, qui ne peut que susciter des réactions antisémites si l’opinion publique prend le CRIF au mot, et s’imagine que « tous les Juifs de France » sont solidaires d’une telle attitude ? Nous demandons au CRIF de cesser de s’arroger le droit de parler au nom de tous ceux qui ne pensent pas qu’être juif conduise à faire taire sa conscience au nom de la « défense des intérêts d’Israël », selon l’idée que se fait le CRIF de ces intérêts.
Les notions de droit et de justice passent pour une majorité de Français d’origines très diverses avant toute autre considération.
L’Etat français a joué un rôle criminel en s’associant pendant la seconde guerre mondiale aux atrocités commises par les nazis. Et la reconnaissance publique de cette responsabilité par Jacques Chirac en 1995, une première de la part d’un homme d’Etat français, a revêtu la plus grande importance.
L’horreur sans nom des camps, des chambres à gaz et des fours crématoires doit-elle pour autant rendre acceptables le meurtre de civils palestiniens, la négation des droits d’un peuple, qui n’est au demeurant pour rien dans le sort qui fut infligé aux Juifs ?
Pourquoi demander aujourd’hui à l’opinion publique française de s’émouvoir davantage de la mort d’enfants israéliens victimes d’attentats suicides que de celle d’enfants palestiniens victimes des tirs et des bombes de l’armée israélienne ? Les deux sont insoutenables.
Nous condamnons toutes les formes de terrorisme contre des civils, d’où qu’il vienne, mais nous sommes nombreux, juifs ou pas, à estimer que seuls le retrait de l’armée israélienne des territoires palestiniens occupés en 1967 et le démantèlement des colonies qui y sont installées pourront jeter les bases d’une paix durable, et apporter la sécurité aux deux populations.
Et tenter d’encourager les replis communautaires en laissant par exemple le président du CRIF Roger Cukierman, se réjouir du score de Le Pen au premier tour des présidentielles en espérant qu’il amènera « les Arabes à se tenir tranquilles », nous paraît très dangereux.
Le CRIF prétend représenter les Juifs de France, mais si c’était le cas, c’est lui qui aurait dû intenter un procès contre ces sites fascisants, qui insultent les rescapés des camps et imposent des étoiles juives. Il est temps qu’il représente, ceux des Juifs qui le souhaitent, dans le cadre des valeurs de la République, et non comme un allié de l’extrême-droite israélienne ».

Signataires : Eva Tichauer (Médecin chef honoraire de la Santé Publique, survivante de la rafle du Vel d’Hiv et de déportation), Bertrand Tavernier (réalisateur), Albert Goldberg (avocat), Robert Guédiguian (réalisateur), Henri Korn (neurobiologiste, Académie des Sciences), Pierre Mairat (avocat), Olivier Py (metteur en scène, écrivain), Maurice Rajsfus (écrivain), Roger Salamon (professeur de Santé Publique), Brahim Senouci (physicien), Stanislas Tomkiewicz (pédopsychiatre, survivant du ghetto de Varsovie), Gisèle Halimi (avocate), Léon Schwartzenberg (cancérologue), Jean-Pierre Gattégno (écrivain), Pierre Vidal-Naquet (historien), Rony Brauman (médecin), Olivia Zémor (journaliste).

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