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LETTRE D’UN INSOUMIS ISRAELIEN EMPRISONNE A SES SUPERIEURS

30 octobre – Yigal BRONNER, du Département des Etudes de l’Est asiatique à l’université de Tel-Aviv, a été emprisonné pour « refus de participer à l’occupation de la Palestine ».


Chers Amis
J’ai été emprisonné par l’armée israélienne pour avoir refusé de participer à l’occupation de la Palestine. J’ai été condamné à 28 jours d’emprisonnement militaire.
Les raisons qui m’ont conduit à dire non à l’humiliation, à la dépossession, à la famine de tout un peuple sont peut-être évidentes pour certains d’entre vous. Je les ai néanmoins exposées dans cette lettre à mes supérieurs militaires.

Lettre de réponse au Général, par Ygal Bronner

GENERAL, VOTRE TANK EST UN VEHICULE PUISSANT.
Il écrase les forêts et anéantit une centaine d’hommes.
Mais il a un défaut : il a besoin d’un conducteur
(Bertold Brecht)

Cher Général,
Dans la lettre que vous m’écrivez, vous dites que « étant donné que la guerre continue en Judée, Samarie et dans la bande de Gaza, et en raison des besoins militaires » je suis appelé à « participer aux opérations de l’armée » en Cisjordanie.
Je vous écris pour vous dire que je n’ai pas l’intention de tenir compte de votre appel.
Durant les années 1980 Ariel Sharon a mis en place des douzaines de colonies de peuplement au cœur des territoires occupés, une stratégie dont le but ultime était l’assujettissement du peuple palestinien et l’expropriation de ses terres.
Aujourd’hui, ces colonies contrôlent presque la moitié des territoires occupés et étranglent les villes et les villages palestiniens autant qu’elles les bloquent quand elles n’interdisent pas totalement la circulation de leurs habitants.
Désormais, Sharon est premier ministre, et depuis l’année dernière il progresse vers le stade final du projet qu’il a engagé il y a vingt ans.
Evidemment, Sharon a donné ses ordres à son laquais, le ministre de la Défense et de là découle en cascade une chaîne d’ordres.
Le chef d’état-major a déclaré que les Palestiniens constituent un cancer et a recommandé qu’on leur applique des chimiothérapies. Le général de brigade a imposé des couvre-feux illimités, et le colonel ordonné la destruction des champs palestiniens Le commandant de division a disposé ses tanks sur les collines entre leurs maisons, et a interdit à leurs ambulances d’évacuer les blessés. Le lieutenant colonel a annoncé que les consignes pour ouvrir le feu ont été remplacées par l’ordre hasardeux de « Tirez ! ». Le commandant de tank à son tour, a repéré un certain nombre de personnes et ordonné à son artilleur de tirer un missile.
Je suis cet artilleur. Je suis cette petite vis dans cette parfaite machine de guerre. Je suis le dernier et le plus petit maillon de cette chaîne de commande. Je suis censé suivre simplement les ordres, réduire mon existence au stimulus et à l’action, à entendre le mot « tirez » et à appuyer sur la gâchette pour que tout le plan aille à son achèvement. Et je suis supposé faire tout cela avec la simplicité et le naturel d’un robot qui, au mieux perçoit les trépidations du tank quand on lance le missile contre la cible.
Mais, ainsi que Bertold Brecht l’a écrit :
Général, l’homme est très utile.
Il peut voler et il peut tuer.
Mais il a un défaut ;
Il peut penser
Et bien sûr, général, qui que vous puissiez être, colonel, brigadier, chef d’état-major, ministre de la défense, premier ministre, et tous tant que vous êtes, je peux penser.
Peut-être ne suis-je pas capable de beaucoup plus que ça. Je confesse que je ne suis pas un soldat particulièrement doué, ni courageux. Je ne suis pas le meilleur tireur, et mes capacités techniques sont minimales. Je ne suis même pas bâti en athlète et mon corps ne se sent pas à l’aise dans son uniforme. Mais je suis capable de penser.
Je peux voir où vous êtes en train de me conduire. Je comprends que nous tuerons, détruirons, serons blessés et mourrons, et qu’il n’y aura pas de fin à ce spectacle.
Je sais que cette « guerre interminable » dont vous parlez, va continuer encore et encore. Je vois bien que si les « besoins militaires » nous conduisent à assiéger , chasser, et faire crever de faim tout un peuple, alors il y a quelque chose de terriblement corrompu dans ces « besoins ».
Dès lors je suis forcé de désobéir à votre appel. Je n’appuierai pas sur la gâchette.
Je ne me fais aucune illusion, évidemment. Vous allez me chasser. Vous trouverez un autre artilleur – un qui sera plus obéissant et doué que moi. Ce type de soldat ne manque pas. Votre tank va continuer à tout écraser. Une mouche comme moi ne peut arrêter le mouvement d’un tank, ni une colonne de tanks, et en tout cas pas, toute cette marche de folie.
Mais une mouche peut bourdonner, déranger, interpeller et parfois piquer.
Il se peut que d’autres artilleurs, conducteurs, comandants, observant ces tueries dénuées de sens et le cycle sans fin de la violence, finissent par commencer à penser et à bourdonner. Nous sommes déjà des centaines de mouches.

Et à la fin du jour, nos bourdonnement vont se transformer en clameur assourdissante, une clameur qui résonnera à vos oreilles et à celles de vous enfants. Nos protestations seront préservées dans les livres d’histoire pour que toutes les générations l’apprennent.
Voilà général, peut-être pourriez-vous commencer à réfléchir.`
Sincèrement`
Yigal Bronner

(Transmis par Gush Shalom – Traduit par CAPJPO)