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LE PROCESSUS D’EXPULSION DES PALESTINIENS A LARGEMENT COMMENCE (par l’Universitaire israélien Ran HaCohen)

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3 janvier – (traduction : Anne Giannini) – « Les gens ne se rendent pas compte du fait qu’Israël doit son existence en tant qu’état juif à une purification ethnique massive. Personne ne met en question l’ensemble des faits. Il y avait environ 600000 juifs en Palestine en 1948. On estime que 600000 à 7OOOOO Palestiniens ont été expulsés du territoire pris par Israël en 1947-1948. »


« C’est ce que dit l’historien nationaliste Benny Morris dans son livre, The birth of the Palestinian Refugee Problem, qui fait autorité. Environ 100000 Palestiniens sont restés, ceux que l’on appelle aussi Arabes israéliens. Sans expulser la plupart des Arabes à ce moment-là, et sans leur interdire le retour après la guerre, il aurait été impossible d’assurer une majorité juive.
Ces faits ne sont pas intégrés dans la conscience collective israélienne. Confrontés à cela, les Israéliens nieraient, souvent pas pure ignorance. Tout le monde, en Israël, sait combien d’Arabes sont partis en 1948. Ceux qui sont moins au courant discutent pour savoir s’ils ont fui spontanément les zones de guerre (« c’est de leur faute »), s’ils y ont été encouragés par les dirigeants arabes ou s’ils ont été expulsés. Les experts considèrent que les trois facteurs ont joué. Les plus anciens se souviennent encore « que tel village arabe tout près a été effacé de la terre lorsque les habitants sont partis ». Mais la portée de l’exode des Palestiniens, surtout rapporté à la dimension de la population juive, est en fait refoulée.

Le prix de la dénégation
Lorsqu’il n’est plus possible de nier, ceux qui soutiennent Israël ont tendance à se réfugier dans des accusations comme : « alors, vous niez le droit à l’existence d’Israël ». Ceci est un tort, du point de vue logique, moral et pratique.
C’est faux logiquement, car ce qui est né du péché ne perd pas forcément son droit d’exister. Certains considèrent que nous sommes tous nés dans le péché sans exiger que nous nous suicidions. Peu nieraient les crimes commis contre les Indiens d’Amérique mais je n’ai jamais entendu dire que les États Unis devraient être démantelés pour cette raison.
C’est un tort moral, car la reconnaissance des faits historiques ne dépend pas de ce qu’ils impliquent sur le plan politique. On ne peut nier un fait simplement parce qu’on n’aime pas ses conséquences.
Enfin, c’est faux sur le plan pratique car si les Israéliens connaissaient la purification ethnique de 1948, ils ne seraient pas aussi pressés de tenter encore une fois d’utiliser cette « solution » qui a fait faillite. Combien d’Israéliens diraient que la répétition d’un crime est la meilleure route vers la paix, s’ils savaient que les centaines de milliers de gens expulsés en 1948 sont maintenant devenus des millions de réfugiés aux frontières d’Israël dont la haine et l’aspiration à rentrer chez eux ont été nourries par des décennies d’humiliation et de discrimination au Liban, en Syrie ou en Jordanie ?
Nous avons demandé aux Arabes de reconnaître l’holocauste. De même, la reconnaissance de la purification ethnique de 1948 est une condition préalable de la réconciliation. Tant que la plupart des Israéliens et de ceux qui les soutiennent continueront à nier ces faits, Israël sera en danger d’une répétition. Le système politique israélien est contrôlé par d’anciens généraux responsables de la purification ethnique de 1948, puisque l’armée est dirigée par leur disciples dévoués, il faut prendre au sérieux les signes qui annoncent l’intention d’Israël de commettre à nouveau ce crime dans un avenir peut-être proche.

Aujourd’hui
Il faut encore souligner que les discussions sur le passé et les mises en garde quant à l’avenir ne doivent pas nous cacher le présent. En ce moment même, lentement mais sûrement, la purification ethnique des Palestiniens des territoires occupés est en marche. Comme l’ont écrit les militants de Ta’ayush, Gadi Algazi et Azmi Bdeir :
« Le transfert de populations n’est pas forcément perçu comme un événement dramatique, un moment unique quand des gens sont expulsés et fuient leurs villes et villages. Il ne s’agit pas forcément d’une opération planifiée et bien organisée, des bus et des camions remplis de gens comme à Qalgilyah en 1967. Le transfert est un processus plus enfoui, un processus rampant, insidieux, caché. (…) L’outil principal de ce processus consiste à saper peu à peu l’infrastructure de la vie civile de la population Palestinienne dans les territoires. Celle-ci est étranglée sans cesse par les bouclages et les sièges qui empêchent les gens d’aller au travail ou à l’école ; qui les empêchent de recevoir des soins médicaux ; qui interdisent la distribution de l’eau, le passage des camions et des ambulances ; qui rejettent, en somme, les Palestiniens dans l’ère de l’âne et du chariot. Toutes ces mesures rongent le lien entre le peuple palestinien et sa terre. » (Ha’aretz, 15.11.2002)
Cette purification ethnique « à petite échelle » possède son propre langage secret. Il faut être initié pour le déchiffrer, mais on le retrouve dans les journaux tous les jours. C’est ce qui arrive quand les quartiers palestiniens près de la frontière Égyptienne, à Rafah par exemple, deviennent zone de guerre. Bien évidemment, les habitants fuient. Israël démolit alors leurs maisons. On répond aux protestations que les maisons étaient vides.
Il y a purification ethnique lorsqu’Israël relie la colonie Juive de Kiryat Arba à celle de Hébron par une route qui passe dans le cœur de la Hébron palestinienne et exige la démolition de dizaines de maisons qui se trouvent le long de cette route, et que l’on dit « inhabitées », « abri de terroristes » ou encore « appartenant à des familles riches qui vivent ailleurs ».
Il y a purification ethnique lorsqu’Israël construit un mur de sécurité sur des champs palestiniens, les séparant de leurs propriétaires. Les agriculteurs n’y ont plus accès et sont obligés de gagner leur vie ailleurs.
Il y a purification ethnique lorsque des colons terrorisent le village palestinien de Khirbet Yanun, entrant dans les maisons en brisant les portes, détruisant tout ce qu’ils y trouvent. En Octobre dernier, seul deux vieux étaient restés dans le village ; Le reste de la population avait trouvé refuge dans la ville voisine d’Akrabeh.
C’est la purification ethnique qui est le but de chaque nouvelle parcelle de terre prise par les colonies juives, derrière les « zones de sécurité », utilisées pour des « routes de contournement », derrière les barrières et les postes militaires. Elle est derrière chaque siège, chaque bouclage. Elle vise à empêcher tout mouvement des Palestiniens hors de leur voisinage immédiat. Il s’agit de les restreindre à leur enclave, à leur ville ou village, à leur maison. La bande de Gaza, derrière des barrières, est déjà appelée « la grande prison » par ses habitants. La semaine dernière, Israël l’a encore fractionnée en trois zones séparées.
Tout ceci se passe aujourd’hui et maintenant. Certaines choses sont sues, d’autres non. La lutte contre le « transfert » exige un effort organisé sur tous les fronts : contre les complots visant à expulser à l’avenir les Palestiniens, contre leur étranglement aujourd’hui, et pour que la purification ethnique de 1948 et depuis lors devienne une partie de notre conscience collective ».

Ran HaCohen la littérature comparée à l’Université de Tel-Aviv. Il travaille à l’heure actuelle sur sa thèse. Il est aussi traducteur littéraire (De l’Allemand, l’Anglais et le Néerlandais) et critique littéraire du quotidien Israelien Yedioth Aharonoth. On peut trouver ses articles, « Lettre d’Israël » sur le site AntiWar.com ou ce texte est paru.

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