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LA MORT D’UN JUSTE (EN MEMOIRE DE STANISLAS TOMKIEWICZ) – Par Brahim SENOUCI

5 janvier – Nous publions ci-dessous le texte adressé par notre ami Brahim Senouci à la presse algérienne, après le décès de Stanilas Tomkiewicz.


La mort d’un juste

Stanislas Tomkiewicz est mort cette nuit à Paris. Son nom n’évoque sans doute rien pour la majorité des Algériens. C’était un pédo-psychiatre très connu. Né dans les années 20, il avait survécu à l’attaque du ghetto de Varsovie et il avait échappé aux camps de la mort nazis.
J’ai connu Stanislas Tomkiewicz en février 2002. Nous nous sommes côtoyés à la tribune d’un amphithéâtre de l’Université de Jussieu, à l’occasion d’un meeting de soutien à la cause palestinienne. Stanislas Tomkiewicz était en effet un ardent défenseur de cette cause. Le juif qu’il était ne supportait pas que les souffrances passées de son peuple fussent instrumentalisées et servissent de caution à une politique israélienne dont il dénonçait le caractère criminel ( » Les saloperies d’hier ne doivent pas justifier les saloperies d’aujourd’hui « ). Membre fondateur de la Coordination des Appels pour une Paix juste au Proche-Orient (CAPJPO), il en a été jusqu’au bout un militant constant. Ces derniers temps, il s’était investi dans l’appel au boycott des produits israéliens ; il considérait en effet que la politique du  » deux poids deux mesures  » était inacceptable et que l’arme du boycott était adéquate dès lors qu’un Etat, quel qu’il fût, pratiquait une politique d’apartheid. Ces prises de position lui avaient valu des menaces de la part de cercles sionistes extrémistes. Comme je m’en inquiétais auprès de lui, il m’avait répondu avec son éternel sourire que, s’il pouvait mourir de la main d' » un de ces salopards « , il en serait heureux. Ce serait, disait-il, un terme aux souffrances qu’il endurait du fait de sa maladie, mais aussi l’occasion de créer quelques problèmes à ces extrémistes qui auraient eu à répondre de cet acte.
Je connais Stanislas Tomkiewicz depuis moins d’une année. J’ai l’impression de le connaître depuis toujours. Le musulman que je suis a reconnu dans ce juif l’étincelle d’humanité qui se refuse à se laisser enfermer dans une identité religieuse ou ethnique. Contre le vent mauvais qui souffle en Palestine et qui menace en Irak et dans d’autres régions du monde, vent propice à toutes les crispations, à tous les replis, vent annonciateur de guerres d’un autre âge, il était la preuve vivante que les frontières entre les hommes ont peu à voir avec l’identité et beaucoup avec le partage des valeurs. Il m’a aussi appris la vertu de la cohérence. Militant de la lutte de décolonisation en Algérie, il considérait son combat pour la cause palestinienne comme une suite logique de cet engagement.
Adieu, Tom.
Brahim SENOUCI,
Maître de Conférences à l’Université de Cergy