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UNIVERSITES : REPONSE DU PR. EMMANUEL DROR FARJOUN, DE L’UNIVERSITE HEBRAIQUE DE JERUSALEM, AU PR COHEN-TANNOUDJI

12 janvier – Cher Professeur Cohen Tannoudji,
J’ai lu votre lettre dans le Monde du 9 janvier avec un sentiment de
tristesse. J’ai trouvé très triste que des gens intelligents qui essaient de
comprendre le monde autour d’eux estiment que la situation en Israël est une
tragédie symétrique de deux peuples coincés dans une boucherie, « un conflit
douloureux où deux peuples souffrent cruellement et quotidiennement » selon vous.


Pourtant, la vérité est loin d’être symétrique comme vous le laissez entendre : depuis
35 longues années, les Palestiniens se trouvent dans une situation de véritable
apartheid, qui les sépare de tout ce qui est sain en Israël, de tout ce qui
peut leur donner de l’espoir. Ils n’ont aucune nationalité, ils n’ont pas de
vrais passeports, pas de droit d’accès au monde extérieur … bref aucun des
droits que vous, professeur Cohen Tannoudji, que moi-même et que toute la
population israélienne y compris ses citoyens arabes ,
considèrent comme
évidents.

A vrai dire, dans le cadre des lois israéliennes, les Palestiniens
des territoire occupés, y compris ceux de Jérusalem Est,
n’ont même pas le droit de vivre en Palestine dans leurs propres maisons et
villages. Ils y résident seulement par la grâce peut-être temporaire ou
arbitraire de l’Etat israélien, sans oublier que de temps à autre, ce même
Etat décide de retirer cette grâce à un groupe ou à un individu, à Jérusalem
ou ailleurs.
On voit que la situation est très éloignée de la symétrie supposée dans
votre lettre au Monde.

Les Universités ne sont pas pires que le reste des institutions israéliennes,
mais elles ne sont pas non plus meilleures.

Je ne m’étendrai pas sur leur attitude vis-à-vis
de la minorité arabe du pays : bien que l’Arabe soit
la langue d’un cinquième de la population d’Israël,
il suffit de rappeler qu’il n’y a aucun enseignement
en langue arabe dans les universités israéliennes.

Mais c’est au sujet des collaborations
universitaires « entre Israéliens et Palestiniens »
que votre message est le plus ambigu, et pour tout dire trompeur. Non
seulement les Universités israéliennes
n’ont jamais fait aucun effort pour aider
leurs homologues palestiniennes, mais
les coopérations dans les enseignements et la
recherche qui etaient toujours minuscules, sont aujourd’hui tout
simplement inexistantes, du fait du bouclage complet des territoires.

Après le massacre récent des 23 Israéliens à Tel Aviv par deux bombes
palestiniennes, le gouvernement a immédiatement ordonné la fermeture de
trois universités, pour une durée indéterminée, en Cisjordanie. Cette punition
collective est typique, répétitive et n’a clairement rien à voir avec le
maintien de la sécurité.

On n’a pas besoin de caractériser la nature exacte de cette
extrême violence pour comprendre qu’elle est complètement
inéluctable après les 35 ans d’oppression terrible et les privations
quotidiennes infligées à la population palestinienne par les gouvernements
qui se sont succédés en Israël.

Si on affirme, comme je le fais, que les violences de
ce genre visant la population civile israélienne
n’ont aucunement leur place dans une juste
lutte contre l’oppression, on doit alors
utiliser d’autres moyens de pression contre le
pouvoir dominant : c’est-à-dire,
contre les institutions israéliennes.

Je suis persuadé que la suspension des relations spéciales entre Israël et
l’Union Européenne, et des privilèges dont jouissent les Universités
israéliennes, est une mesure juste et appropriée. Les privilèges doivent être
fondés sur le respect minimal des lois internationales pour les droits de
l’Homme.

Emmanuel Farjoun

Dept de Math
Hebrew Univ of Jerusalem,
Jerusalem, Israel.