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POURQUOI ISRAEL ENCOURAGE LA GUERRE CONTRE L’IRAK

24 février – Par le Professeur Saleh ABDEL JAWAD (traduction Carole Sandrel) – Une question importante se pose avec insistance à la veille de la guerre contre l’Irak liée aux raisons pour lesquelles Israël et le lobby sioniste imposent de toute leurs forces l’option de la guerre à l’administration américaine et à la rue américaine. En d’autres mots quels sont les objectifs qu’Israël cherche à atteindre avec l’attaque intensive de l’Amérique contre l’Irak et quels sont les bénéfices attendus du dosier Palestinien ?


Premièrement, Israël considère une frappe contre toutes les formes de l’ordre régional arabe, en particulier l’élément principal de cet ordre qu’est l’Irak, en fin de compte, comme un affaiblissement de cet ordre, qui aura pour conséquence un effet d’affaiblissement sur les Palestiniens. Après les accords de Camp David en 1979, l’Egypte se retira tactiquement (et continue encore aujourd’hui) du cercle d’action du conflit « Arab/ Israël » tout en intégrant ses intérêts dans l’orbite américaine. Depuis lors Israël s’est concentré sur l’Irak en raison de son statut de seul pays arabe, après l’Egypte, a posséder une combinaison puissante d’ingrédients dont sont dépourvus les autres régimes arabes : pétrole, assise financière, ressources en eau prospères, large étendue de sols fertiles, population suffisamment importante, trajectoire politique clairement nationaliste et infrastructure militaire, industrielle et scientifique.
Deuxièmement, une frappe contre l’Irak comporte dans ses développements la possibilité considérable de démanteler ce pays, même si cela n’entre ni dans les plans immédiats des Américains ni dans leurs plans à court/moyen terme. Un tel démantèlement serait en accord avec la vision qu’a Israël de la région et pourrait augmenter O combien le pouvoir d’Israël. Une telle vision de la région se fonde sur les représentations similaires qu’avaient les orientalistes occidentaux qui étudièrent le Proche Orient à la fin du XIXè siècle et au cours du siècle précédent.. Selon cette perspective, la région était perçue comme une mosaïque composée d’ethnies variées et de regroupements culturels et nationaux. A l’intérieur de ce cadre de perception, l’Irak est comprise comme un pays dont les habitants peuvent se partager entre Sunnites, Chiites, Kurdes et Chrétiens qui se répartissent selon plusieurs églises. De même il y a un pouvoir régional, confessionnel, et des allégeances tribales concentrés autour des villes qui ont des intérêts économiques ou des intérêts politiques particuliers comme Bagdad, Tikrit, Bassorah, Mossoul etc… Cette mosaïque qui détermine la perspective, rejette l’idéologie nationale arabe, et les relations de la Palestine avec les Arabes d’un côté, tandis qu’elle justifie la légitimité existentielle sioniste basée sur l’idée du nationalisme juif, faisant de lui, dès lors, le fort parmi les faibles.
Abba Eban, à cet égard, a succinctement décrit l’idéologie sioniste israélienne dans une série d’écrits intitulés « La Voix d’Israël » . Eban conteste l’idée admise selon laquelle le Proche Orient représente une unité culturelle et qu’il incombe à Israël de s’intégrer à cette unité. A la place, il fait la « mise au point » suivante selon laquelle les Arabes ont toujours vécu divisés et que les courtes périodes d’unité n’ont jamais eu lieu que sous la menace des armes. Et il continue en disant comment les divisions politiques n’ont pas été le fait du colonialisme occidental , mais il préfère insister sur le fait que les liens culturels et traditionnels qui unissent les pays Arabes sont insuffisants pour former une base sur laquelle l’unité politique peut se faire.
Pour cette raison, les gouvernements successifs d’Israël ont adopté des politiques basées sur le principe suivant : ne supporter que les minorités non arabes, comme les Kurdes d’Irak ou religieuses comme les Maronites du Liban. Quand on lit la littérature du mouvement sioniste, particulièrement les publications de la fin des années 1930 et après la révolte palestinienne des années 1936-1939 qui témoignaient du commencement de l’arabisation de la question palestinienne, cette littérature indique que les leaders du mouvement sioniste en général, et les leaders du yishuv en particulier, suspendaient leurs espoirs et leurs préoccupations à l’établissement de relations avec toutes les minorités du monde Arabe et des pays non arabes établis à la lisière du monde arabe en Asie et en Afrique.
Dès la fin des années 30, Ben Gourion a établi quelques principes qui allaient devenir le dogme indiscutable dans la conception sioniste telle qu’elle est apparue dans le temps :
1. D’abord, que les Arabes sont les premiers ennemis du mouvement sioniste. Pour affronter ce principal ennemi il est nécessaire que le Sionisme se cherche des alliés à l’Est pour s’unir avec ses alliés de l’Ouest.
C’était une force additionnelle nécessaire pour soutenir la puissance du projet sioniste quand il devra s’exposer à cette (première) confrontation qui en fin de compte est un « combat sanglant entre nous et eux » . Alors tout regroupement, ou toute secte qui s’oppose au nationalisme Arabe « le principal ennemi du peuple Juif » ou se déclare prêt à le combattre ou y résister, est en réalité, un allié et un pouvoir qui aident le sionisme dans sa politique d’implantation dans sa politique et d’établissement d’un état, qui sont toujours en train de se faire.
2° Le peuple juif qui a été soumis au terrorisme et à l’oppression de la part des nombreux gouvernements sous lesquels il a vécu, et particulièrement ceux qui ont vécu dans les pays arabes, se considère comme partenaire et allié existentiels de toutes les minorités et groupes « opprimés » par les Arabes ou les Musulmans. Ainsi le besoin de se libérer de cette oppression est un sentiment commun aux deux. Ces deux principes (1 & 2) forment la base de cette théorie connue comme « Théorie de l’alliance Périphérique».
3° Après l’établissement de l’Etat d’Israël, Ben Gourion a développé cette théorie et a cherché à créer un réseau d’adversaires parmi les pays non arabes qui bordent le monde Arabe, s’appliquant surtout à créer des relations stratégiques avec la Turquie, l’Iran, et l’Ethiopie (Théorie de l’Encerclement) . Ensuite il chercha à étendre la chaîne de cet encerclement du monde arabe en élargissant les relations d’Israël à d’autre pays d’Asie ou d’Afrique. (La phase la plus récente de cette politique témoigne d’une attention particulière pour l’Inde afin d’essayer de l’inclure dans cet encerclement stratégique, résultat largement dû à l’adhésion du Pakistan au club des pays détenant la puissance nucléaire, à l’émergence du révisionnisme hindou en Inde et au désir d’Israël de pénétrer le gigantesque marché indien)
Les idées de Ben Gourion, (la Théorie des alliances périphériques et la Théorie de l’encerclement) qu’il avait formulées avec d’autres membres du leadership sioniste, avaient fourni la philosophie à partir de laquelle un programme opérationnel avait été mis sur pied pour interagir avec les alliés à face monde Arabe.
En toile de fond, Israël avait soutenu dans le passé des mouvements sécessionnistes au Soudan, en Irak, en Egypte, au Liban, et tous les mouvements sécessionnistes de tout pays arabe qu’Israël tenait pour ennemi. Cependant la préoccupation de l’Irak et les tentatives de l’affaiblir ou de l’empêcher de développer sa force a toujours occupé la place central, surtout après l’échec des plans sionistes sur le front égyptien. Pourtant, il y a eu des périodes au cours desquelles, Israël est parvenu à prendre pied en Irak et à établir des relations secrètes mais solides avec les leaders du mouvement kurde, mais néanmoins il a totalement échoué quand il a voulu se faire des alliés dans la communauté Copte d’Egypte, conséquence de la nature de la formation et de la continuité historique de l’Etat Egyptien, entre autres raisons.
Les contacts avec les Kurdes commencèrent à la fin des années 30. La responsabilité d‘avoir établi des contacts avec les Kurdes est l’apanage du tristement célèbre agent secret sioniste Rubin Shiluah – l’un des plus importants architectes de la stratégie de « l’alliance périphérique ». Ces contacts furent considérés comme la mise en place de la stratégie défendue par les leaders de l’implantation juive et appliquée aux Kurdes.
Dans le cadre de ce problème, Shiluah (qui à l’époque vivait comme espion en Irak, sous couvert d’études dans une école juive de Bagdad) devait s’enfoncer dans les régions montagneuses où vivaient à l’origine les communautés Kurdes dans le nord de l’Irak . Les relations qu’il a réussi à établir à partir de là se développèrent à la fin des années 40 au point que les Kurdes aidèrent une grande partie des Juifs irakiens à gagner la Palestine grâce aux chemins qui traversaient la Turquie .
A la fin des années 50 et au début des années 60, Israël était devenu la source principale de l’entraînement et de l’armement des Kurdes dans leur lutte contre le gouvernement central de Bagdad. Au cours de cette période dont bien des aspects sont encore à mettre au jour, des milliers d’agents du Mossad et de militaires israéliens s’étaient installés dans le nord de l’Irak sous couvert de multiples fonctions (conseillers militaires, experts agricoles, entraîneur, médecins, etc…) Le soutien israélien atteignit son sommet au moment où les Kurdes s’emparèrent du pouvoir dans le nord de l’Irak durant et après la seconde guerre du Golf en 1991, quand les forces Kurdes réussirent à prendre le contrôle de Kirkouk, ville de grande importance stratégique où se trouvent les principaux puits de pétrole. Néanmoins, le mouvement sécessionniste s’effondra tout aussi vite sous les coups de l’armée irakienne avant que les Etats-Unis ne soient revenus imposer une série de changements qui permirent une fois encore la fin de l’autorité gouvernementale centralisée dans le nord de l’Irak et l’établissement d’une zone de souveraineté Kurde considérable.
De la même façon, Israël a soutenu le Shah d’Iran dans sa lutte contre Bagdad. Le début des relations d’Israël avec le Shah commencèrent quand le Mossad, agissant en accord avec l’espionnage anglais (M16) et américain (CIA) travailla à provoquer l’écroulement en 1953 de Mossadegh, leader iranien démocratiquement élu. Cet épisode reste aujourd’hui encore totalement secret et pour tout dire mystérieux.
Les relations nouées avec le Shah permirent à l’Iran de devenir le principal importateur des produits israéliens avant l’ascension de Khomeini. Israël a aussi joué son rôle dans l’entraînement de la SAVAK, le service secret tristement célèbre pour sa barbarie qui assurait la protection du Shah.
De la même manière, Israël a beaucoup fait pour contrôler l’Irak, et a fait tout ce qui était en son pouvoir pour l’empêcher de développer des armements nucléaires. Dans ce contexte, Israël a détruit le réacteur irakien au cours de son montage en France en 1977, et a assassiné différents scientifiques qui travaillaient en Irak au programme nucléaire – tout particulièrement le scientifique égyptien Yaya El Mashd qui fut assassiné à Paris. Ils assassinèrent aussi le projet d’un Super Canon à Bruxelles, et détruisirent en le bombardant le réacteur nucléaire irakien Osirak en 1981. En plus, et honteusement Israël a fourni des armes à l’Iran durant la première Guerre du Golf.
L’hostilité d’Israël contre l’Irak est antérieure au régime de Saddam Hussein, il a pour origine la guerre de 1948 et se renforça encore après, conséquence de la participation de l’Irak à cette guerre. L’Irak fut le seul pays qui participa à la guerre et qui refusa de participer aux négociations menant à l’accord de Rhodes Armistice en 1949. De même, l’Irak envoya du renfort sur le front jordanien en 1967. D’autre part, l’Irak continue de refuser de reconnaître la Résolution 242 des Nations Unies et s’était aussi activement engagé pour la défense de Damas en 1973. Etc.
Troisièmement, la guerre comme fin en soi, est un objectif israélien permanent. Les guerres séquentielles avec le monde Arabe ont été des occasions d’épuiser le monde Arabe de manière importante et de porter des coups à la situation démographique et/ou politique contre l’intérêt des Palestiniens mais en faveur du projet sioniste. Même les guerre régionales auxquelles Israël n’a pas pris part, ont montré qu’elles pouvaient directement ou indirectement bénéficier à Israël et servir à affaiblir le mouvement national Palestinien (par exemple la première et la deuxième Guerre du Golf).
La guerre de 1948 a permis l’expulsion de 800000 Palestiniens de leur foyers, soit 87% de la population qui vivait dans la zone passée sous contrôle sioniste après la guerre. La guerre de 1956 telle qu’elle était initialement prévue selon des documents israéliens déclassifiés, tout particulièrement en ce qui concerne le massacre de Kufr Qasem, devait faciliter une nouvelle vague d’expulsions et provoque l’occupation de la Rive Ouest. La guerre eut pour résultat directement ou indirectement l’expulsion de 400 000 Palestiniens de la Rive Ouest et de la bande de Gaza, et l’occupation de ces mêmes terres qu’Israël cherche à rendre définitive, ce qui jusqu’à présent favorise l’ambition d’Israël d’être la locomotive régionale.
La guerre de 1982 a aussi engendré de dangereux changements démographiques pour les communautés de réfugiés Palestiniens au Liban, particulièrement dans les camps de réfugiés que Sharon a tellement voulu dépeupler, parce qu’ils étaient situés sur la frontière nord d’Israël devenu le talon d’Achille de l’état Juif. Des 450 000 Palestiniens résidant au Liban en 1982, 250 000 au plus restent aujourd’hui. (Si la guerre n’avait pas eu lieu le nombre de Palestiniens au Liban aurait atteint au moins 650000). Pour ne rien dire de l’assujettissement social, moral et politique que la communauté palestinienne du Liban a subi, résultant de la guerre.
Pour ce qui est de la première guerre du Golfe entre l’Irak et l’Iran, les résultats en furent tout aussi préjudiciables pour la cause palestinienne : le monde Arabe se déchira en deux camps, les ressources arabes furent gâchées, les revenus du pétrole furent réduits, et l’attention arabe se détourna de la question palestinienne. En outre cela se répercuta négativement sur la manière d’agir palestinienne.
Finalement, la seconde guerre du Golfe en 1991 eut pour résultat l’expulsion de la communauté palestinienne du Koweit, qui formait l’un des principaux circuits du revenu palestinien et du pouvoir dans les Territoires Occupés en 1967. De mon point de vue, Yitzhak Shamir cherchait avec l’exécution du massacre de 1990 à exploiter ces évènements en créant une dynamique qui aurait permis des opérations d’expulsion des habitants de la Rive Ouest. Cependant la position de l’administration américaine qui avait pour objectif à ce moment-là de préserver l’alliance arabe dans la guerre contre l’Irak, fut l’un des obstacles majeurs qui empêcha Shamir de réunir les conditions nécessaires à la réalisation de ses plans.