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LE MESSAGE DU REFUZNIK ISRAELIEN YONI BEN ARTZI, LU PAR SON PERE MATANIA LORS DU CONCERT DU 27 SEPTEMBRE A PARIS

1er octobre – Matania Ben Artzi est venu spécialement d’Israel le 27 septembre dernier, à l’occasion du grand concert pour une paix juste au Proche-Orient, afin de nous transmettre le message de son fils Yoni, 20 ans, en prison depuis 14 mois pour refus de servir dans l’armée israélienne. Il a été longuement ovationné par le public.


« Bonjour à toutes et à tous. Je m’appelle Matania Ben-Artzi, et ma femme s’appelle Ofra. Nous sommes Israéliens, nous habitons à Jérusalem, où nos familles respectives sont installées depuis sept générations. Je suis professeur de mathématiques à l’université de Jérusalem. Nous avons trois enfants. Le plus jeune de nos enfants s’appelle Jonathan, de son petit nom Yoni, il a 20 ans. Yoni, dont vous pouvez voir la photo sur l’écran géant en ce moment, ainsi que dansle hall des expositions, a fait ses études secondaires dans un grand lycée de Jérusalem. Puis il a fait deux années de maths-physique a l’université. Yoni était promis à faire des études très brillantes, et dans tout pays véritablement démocratique quelconque, il aurait suivi ce parcours, comme tout étudiant normal. Mais sa vie a basculé en Août 2002, comme la nôtre, lorsqu’il a refusé de rejoindre l’armée israélienne pour faire sa période militaire. Yoni est un pacifiste, c’est-à-dire qu’il refuse de faire partie de toute armée, et de porter un uniforme militaire quelconque. Yoni a décidé d’être pacifiste quand il avait 15 ans, un jour où nous étions tous venus en famille en France, et où nous avons visité les cimetières de Verdun, une ville qui témoigne de la folie de la guerre de 14-18, les millions de morts inutiles. Il a donc demandé à effectuer un service civil, n’importe où. Ce droit lui a été refusé. Yoni a été condamné par un tribunal militaire israélien à sept peines successives de prison, il a établi là un triste record. Apres sept mois de prison ferme, en février 2003, il a été traduit en Cour Martiale à Tel-Aviv, et là encore il a battu un nouveau record puisque c’est le premier d’entre tous ceux qui refusent de rejoindre l’armée israélienne à être traîné en Cour Martiale. Etre traduit en Cour Martiale est un processus pénible, long, difficile, épuisant, coûteux En attendant le verdict, Yoni reste toujours en détention. Il a déclaré en février dernier, devant la Cour Martiale : « Je refuse formellement de faire partie, à quelque titre que ce soit, d’une armée ni d’une organisation dont l’objectif principal est de tuer et de violenter ; d’une armée, d’une façon générale, et encore moins d’une armée d’occupation occupée à opprimer brutalement un autre peuple et cela à grande échelle ».

Voici le message de Yoni que je suis venu pour vous lire ici à Paris :

Message de Yoni Ben Artzi, Pacifiste israélien – 27/9/2003 à Paris

Cinquante-cinq ans ont passé depuis que les Nations Unies ont décidé de résoudre le conflit en Palestine par le biais d’une partition territoriale, mais rien n’a encore changé :

Le conflit est plus violent et menaçant que jamais, et une solution semble aussi éloignée de nous que deux générations plus tôt. Malgré tout, nous ne devons pas perdre espoir. Nous ne devons pas désespérer quant à une paix possible. Notre espoir en la paix vient de notre croyance profonde en l’humanité, et à préférer le bien au mal.

Depuis des années, ces deux peuples, Palestiniens et Israéliens, sont soumis à des guerres et à des actes de violence qui les mènent vers la mort, l’exil et la souffrance, pour des millions d’entre eux. Aujourd’hui, je crois que c’est à nous, les Israéliens, qui sommes du côté du plus fort, de suivre le commandement du poète des Psaumes : « Recherche la paix et poursuis-la ».

L’état d’Israël, qui a été créé après l’Holocauste, s’est engagé à respecter les valeurs humaines fondamentales de l’égalité, de la liberté, et du respect de tous ses citoyens. Dans le cadre de ces libertés, la liberté de conscience devrait être la plus respectée. C’est la conscience individuelle de l’être humain qui devrait servir de base à notre pays pour nous guider dans la voie de la morale.

Etre un prisonnier de conscience comme je le suis depuis quatorze mois maintenant, et être privé de ma liberté individuelle, ce n’est pas facile. Etre traduit en Cour Martiale dans mon propre pays parce que je crois profondément dans la non-violence semble absurde et dénué de sens. Mais je reste fort, et je continuerai mon combat, malgré les difficultés, parce que je suis profondément convaincu que la paix est la seule solution pour mon pays, et parce que je sais que je ne suis pas seul. Il y a tous mes autres compagnons prisonniers de conscience, NOAM BAHAT, MATAN KAMINER, ADAM MAOR, HAGAI MATAR, et SHIMRI TZAMERET – dont les photos sont toutes exposées ici et que vous pourrez tous aller voir à l’exposition « Refuzeniks » comme on nous appelle, ceux qui refusent. Il y a aussi tous nos supporters indéfectibles en Israël et à l’étranger, à titre individuel ou dans le cadre de plusieurs organisations… Cet événement ici à Paris, et vous tous qui m’écoutez, est le plus bel acte de solidarité avec nous – avec les Israéliens emprisonnés en raison de leur conscience, et avec tous les Palestiniens qui sont privés de leur droits humains fondamentaux.

Ces quatorze mois passés en prison m’ont permis de réfléchir à ce qui est bien et à ce qui est mal, à ce qui est noble et à ce qu’il est honteux de faire ou de contribuer à faire, et comment ces graves sujets sont traités dans le pays où je suis né. J’ai appris à vaincre l’animosité que j’aurai pu avoir à l’encontre de ceux qui sont responsables de mon emprisonnement, car il faut avoir une vue plus large des choses.

Israël, mon pays, est un pays dans lequel des milliers de personnes sont emprisonnées sans inculpation ni procès et sans respect des valeurs morales, et un mur est en cours de construction, qui va emprisonner tout un peuple. C’est un pays qui traite plus d’un million de ses citoyens — les Arabes-Israéliens — comme si c’était une cinquième colonne, et qui contrôle la vie de trois millions et demi de voisins Palestiniens, sans espoir d’amélioration en vue. Comme le très sage Henry David Thoreau l’a écrit il y a cent cinquante ans, je pense que le seul endroit où une personne de bonne foi peut actuellement vraiment être, c’est derrière les barreaux d’une prison. Car, comme le dit Thoreau, pour qu’une personne s’oppose véritablement à l’injustice, elle doit elle-même subir l’injustice.

L’injustice, dans notre tout petit pays, est devenue si grande qu’aucune justice ne peut plus pratiquement être trouvée nulle part. On y rencontre peu d’hommes et de femmes de bonne foi, de ces hommes et femmes qui sont capables de résister à ceux qui perpétuent la violence. Les Généraux et les Colonels sont les hommes de l’heure, et le pouvoir et la vengeance forment leur politique. Mais ce sont ces millions d’Israéliens qui vivent, aiment, travaillent et élèvent leurs enfants qui devraient s’opposer à de tels démons. Mais, malheureusement, ils ne le font pas…

Il y a quelques semaines, il y a eu dans les rues de Tel-Aviv la parade de l’amour, la Love Parade. Près de deux cent cinquante mille personnes ont participé à cette parade. A peu près à la même heure, une autre manifestation se tenait à Tel-Aviv : une manifestation pour la paix, pour la compréhension mutuelle, pour la fin de la violence, pour le véritable amour, l’amour de son prochain, l’amour de la vie. Seules deux cents personnes avaient jugé utile de venir à cette manifestation. Et tous ceux qui étaient allés à la Love Parade n’y étaient allés que pour s’amuser, sans réaliser qu’ils s’amusaient sur le dos de gens vivant en quarantaine à quelques kilomètres d’eux.

Tous ceux qui sont allés à la Love Parade se décrivent comme des amoureux de la vie, les non-violents de notre société. Mais, pour que cette image fausse d’eux-mêmes ne soit pas brisée, tous ceux qui sont allés à la manifestation pour la paix, ceux qui tentent de réveiller notre société, ont été traités de démons et de traîtres, ils sont haïs et accusés d’abattre le moral de la nation.

Quel moral ? C’est celui d’un géant, dont les yeux sont bandés, qui cherche à dominer ses voisins, et qui est persuadé qu’il est entouré d’hostilité. Si seulement il enlevait le bandeau de ses yeux, il verrait que ses voisins sont prêts à vivre en paix à ses côtés. Et tant qu’il n’aura pas réalisé cela, il y aura toujours ceux qui tenteront d’arrêter toutes ces violences, comme David contre Goliath.

La guerre étant le moyen le moins approprié pour assurer le respect des droits humains, c’est aussi le moyen le plus éloigné vers la voie de la justice. La guerre qu’Israël mène depuis deux générations l’a éloigné de plus en plus de la justice, au point que la guerre est utilisée simplement pour qu’Israël conserve ses privilèges, qu’il fait payer à ceux qu’il emprisonne. Les privilèges que cette guerre tente de conserver, c’est la pleine propriété de la terre pour Israël, de la mer Méditerranée jusqu’au Jourdain. Les leaders israéliens ont convaincu le peuple juif que partager la propriété de cette terre – et la démocratie – mettrait leur existence en danger. Mais c’est le contraire qui est vrai, celui du partage, car c’est la seule voie qui nous préservera.

Dans tout conflit il n’y a qu’une seule façon de traiter avec son opposant : la paix et la non-violence. Si vous devenez le premier à montrer le bien que l’on peut tirer de la moralité, vous aurez plus de chance pour que l’autre côté vous suive enfin sur ce chemin du bien et de la morale.

Au fur et à mesure que le temps passe, je suis de plus en plus peiné de voir la réalité, à savoir que les Israéliens et les Américains ne feront, volontairement, aucun effort vers la paix. Tant que la majorité silencieuse ne participera pas activement à rechercher la paix, cette terre continuera à être soumise à la guerre. Comme l’a écrit Edmund Burke « tout ce qu’il faut pour que le mal triomphe, c’est que les bons ne fassent rien ».

Et comment tout cela va-t-il donc se terminer ? Seul le temps peut le dire. Mais, en attendant, nous, qui sommes ceux qui voyons les choses avec clarté, nous devons croire en un futur pacifique, et nous devons continuer à nous battre pour le construire. Si nous ne le faisons pas, il est sûr que le carnage continuera.