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Une bouffée d’oxygène pour Gaza

A lire, ci-dessous, le reportage de l’envoyé spécial du journal Le Monde dans la bande de Gaza, Michel Bôle-Richard


Gaza revit. Cinq jours après que la frontière avec l’Egypte a été rouverte par la force, suite à la destruction partielle du mur qui la marque, un flot de marchandises inonde les marchés de Gaza. Sur la place Saha de la vieille ville, dimanche 27 janvier, des marchands improvisés proposent le fruit de leur escapade de l’autre côté de la frontière.

On discute ferme autour de deux jerricans de gasoil. On se dispute sur les prix de volailles venues d’Egypte. On compare les prix des cigarettes. Un dromadaire est proposé au plus offrant. On s’interroge sur le prix d’une moto chinoise en vente pour 1 300 dollars. D’innombrables petites motos de 125 cm3 ont été ramenées. « Nous n’en avions pas vu depuis cinq ans », remarque Abou Saleh, pour expliquer l’intérêt des badauds.
Des voitures aux plaques d’immatriculation égyptiennes sont apparues dans les rues boueuses de Gaza. Des Egyptiens sont là, également. « Je veux aider les Palestiniens », dit l’un d’eux en proposant de la monnaie (livres) égyptienne à un prix plus intéressant qu’à Rafah ou à Al-Arich. Devant la banque Jordan, une multitude de changeurs brassent des dollars, des livres égyptiennes et des shekels israéliens.

Gaza a repris des couleurs. Deux peuples se retrouvent. Les Gazaouis sont tout étonnés de côtoyer à nouveau leurs voisins, plus de quarante ans après la fin de la domination égyptienne due à l’occupation israélienne en 1967. Un ressortissant d’Al-Arich est venu en touriste, juste pour voir. La bande de Gaza s’est entrouverte sur l’extérieur. « Ce n’est qu’une bouffée d’oxygène pour un homme qui est en train d’étouffer », proteste le vendeur de moto. Pour lui, ce n’est pas suffisant. « On veut quelque chose de stable, d’officiel, de régulier pour pouvoir vivre décemment », dit-il. Un voisin renchérit : « Ce n’est qu’une perfusion dont on ne sait combien de temps elle va durer. »

Si les autorités égyptiennes ne sont pas parvenues à refermer la frontière, elles empêchent les marchandises d’y arriver en les bloquant à Ismaïlia, avant le canal de Suez. L’étau policier s’est resserré autour d’Al-Arich devenue un cul-de-sac pour les Palestiniens qui ne peuvent en sortir. Les prix ont augmenté à une vitesse vertigineuse. Egyptiens et Palestiniens profitent de cette aubaine, tout en sachant qu’elle est provisoire. D’ailleurs, il n’y a presque plus rien à acheter.

« La frontière restera ouverte », assure Ahmed Bahar, vice-président du Conseil législatif palestinien (Parlement). Ce membre fondateur du Hamas a reçu, dimanche, une délégation égyptienne composée de parlementaires, de médecins et d’organisations humanitaires, venue se rendre compte des difficultés sur place. « Aujourd’hui, le monde entier a pris conscience de notre sort. Il y a des manifestations partout. La Ligue arabe s’est réunie. C’est une victoire du peuple palestinien et des idéaux qu’il a toujours soutenus. »

Le Mouvement de la résistance islamique est satisfait d’être parvenu à rompre le blocus israélien et d’avoir alerté l’opinion internationale sur le sort de 1,5 million de Palestiniens enfermés dans un réduit surpeuplé. Pour Salah Bardawil, président du groupe parlementaire du Hamas, c’est « un deuxième succès après celui du 15 juin 2006 (coup de force du Hamas). Le troisième sera, en Cisjordanie, la chute du gouvernement illégitime de Salam Fayyad et l’ouverture du dialogue avec le Fatah pour le bien de la cause palestinienne ». « Finalement, les Israéliens nous ont rendu service, admet-il. Ils nous ont permis de ressouder l’unité du peuple palestinien et d’exposer ses souffrances. »

A la suite d’une rencontre, dimanche, entre Mahmoud Abbas, président de l’Autorité palestinienne et Ehoud Olmert, premier ministre israélien, tous deux sont convenus de tout faire pour éviter une crise humanitaire. Les autorités israéliennes se sont engagées devant la Cour suprême à fournir le fioul nécessaire – soit 2,2 millions de litres par semaine – pour éviter l’arrêt de l’unique centrale électrique de la bande de Gaza. M. Abbas doit se rendre au Caire, mercredi 30 janvier, pour tenter de trouver, avec le président égyptien Hosni Moubarak, une solution à la crise de la frontière du Sinaï. Une délégation du Hamas s’y rendra aussi, mais aucune rencontre bilatérale ou trilatérale n’est prévue. M. Abbas refuse tout dialogue avec les islamistes tant que ces derniers n’ont pas renoncé au contrôle de la bande de Gaza.

« Nous voulons un accord pour que le passage des personnes et des biens se fasse de façon régulière. Nous n’avons pas besoin des Israéliens et des Européens. Les accords passés sont caducs. D’ailleurs, les Israéliens ne les ont jamais respectés », souligne Salah Bardawil. Le Hamas reste disposé à ouvrir des pourparlers avec le Fatah et à reprendre le processus qui avait abouti aux accords de La Mecque et au gouvernement d’union nationale. Les islamistes sentent qu’ils ont le vent en poupe et que leur isolement politique s’est effrité.

Michel Bôle-Richard

CAPJPO-EuroPalestine