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Témoignage de Ghada Naser sur la vie en Cisjordanie

« Je voudrais exprimer le sentiment d’une personne normale, mère, épouse et directrice d’un centre de rééducation », indique Ghada Naser dans un texte communiqué par l’association Chrétiens de la Méditerranée.


« Lors de la première Intifada, j’avais 13 ans. J’ai grandi et ai vécu la violence israélienne subie comme une réalité quotidienne. Lorsque mon frère a été blessé par balle, j’ai réalisé que la vie pouvait s’arrêter d’un moment à l’autre ou qu’elle pouvait changer brutalement son cours, même pour des enfants jouant innocemment dans le quartier.

En 2000, la seconde Intifada a éclaté avec son nouveau lot de souffrances, telles la perte d’amis et de proches. En plus de l’humiliation quotidienne, des checkpoints, des bombardements et des couvre-feu, j’ai subi pendant près de deux ans, la détention administrative arbitraire de mon fiancé dans les prisons israéliennes. Ce fut une période psychologiquement très éprouvante. Tous les 3 ou 6 mois, j’espérais sa libération, mais sa détention était sans cesse renouvelée, j’étais effondrée. Par ailleurs, je ne pouvais pas lui rendre visite, n’étant pas un membre de sa famille au « premier degré » .Dans les geôles il a été torturé selon les criminelles méthodes israélienne ; Il a heureusement survécu, mais en a gardé des séquelles, des douleurs chroniques dans le dos, les jambes, les genoux sans parler de l’impact psychologique.

En regardant 10 ou 20 années en arrière, je suis heureuse d’avoir réussi à survivre à ces temps difficiles avec ma famille. Aujourd’hui, en 2011, c’est différent. Je suis maintenant mère de trois enfants âgés de un an et demi, deux ans et demi et quatre ans. La semaine dernière, j’ai réalisé combien à l’approche de la demande de la reconnaissance de l’Etat palestinien à l’ONU, j’étais de jour en jour de plus en plus inquiète. Ce n’est pas de faire cette demande qui me rend nerveuse, car c’est une étape naturelle que d’exiger la reconnaissance d’un Etat pour des hommes libres. L’angoisse vient de la réalité du terrain : les menaces, les attaques des colons à l’encontre des palestiniens, les fusillades, la violence. Toutes ces éruptions de violence me font craindre pour le futur de mes enfants.

Mes jeunes enfants ont-ils si tôt perdu leur candeur enfantine ?

Que ferai-je en cas de couvre-feu ou si les israéliens occupent à nouveau villes et villages pendant des jours et des mois ?

Que ferai-je si mon mari est de nouveau arrêté ?

Et pire encore : Que faire si les colons israéliens attaquent nos maisons et nos rues ?

Pouvons-nous oser nous défendre ?

Comment protéger mes enfants des blessures ou de la mort ?

Que dire à mes enfants?

Je me sens comme un oiseau qui prépare son nid.

J’ai acheté de la farine, du sucre, du sel, des conserves, des haricots et des médicaments au cas où. C’est tout ce que je peux faire pour pouvoir survivre à la maison pendant de longs jours de couvre-feu.

Le pire des scénarii serait de devoir quitter la maison. Je garde donc à portée de main un dossier qui contient tous les documents administratifs officiels de notre famille. Néanmoins, au vu de l’histoire des réfugiés palestiniens, je préférerais pour ma part rester à la maison quelles qu’en soient les conséquences !

Chaque soir et chaque matin, je fais un vœu : que cette semaine se passe sans douleur pour ma famille, mes collègues de travail, les étudiants, mon peuple!

En tant que directrice du Centre de rééducation Star Mountain pour enfants et jeunes intellectuellement déficients, je me sens encore plus responsable en ces temps sombres et difficiles. Le personnel a été réuni samedi dernier afin de prendre connaissance des mesures d’urgence à appliquer en cas de situation extrême. Un système d’appel pour l’équipe de direction et les membres du personnel a été mis en place. Le personnel a été invité à faire des sauvegardes informatiques quotidiennes et à les garder par devers soi au cas où personne ne pourrait rejoindre le centre.

Demain, c’est la journée des manifestations nationales, les enfants handicapés ne viendront pas au Centre. Il est moins risqué pour eux de rester à la maison et de voir comment la situation va évoluer. Nous ne pouvons pas prendre le risque que quelqu’un soit blessé par un colon ou un soldat israélien.

Star Mountain se trouve à proximité d’une « voie de contournement» réservée aux colons qui peut être fermée d’un moment à l’autre. La plupart des membres du personnel prend cette voie pour venir travailler. Au nord du Centre, il y a un checkpoint, « Atara » qui, lui aussi, peut être fermé à tout moment. Au moindre incident toute cette zone peut être fermée et le transport de nos élèves en serait vraiment affecté.

Il y a deux jours, la secrétaire de Star Mountain a du quitter son travail plus tôt, car elle avait entendu dire que l’on fermait le checkpoint Qalandia. Elle devait absolument regagner son domicile sans encombre à Al-Eizariyyeh et Qalandia est le seul point de passage pour cela. De l’autre côté du Checkpoint, elle a eu la chance de trouver l’un de ces taxis palestinien orange pour rentrer chez elle. Hélas, en passant près de la colonie de Ma’ale Adumim, des pierres de la grosseur d’un ballon de foot se mirent à pleuvoir ne heurtant heureusement pas leur voiture. De l’intérieur de leur colonie, les colons israéliens visaient les voitures palestiniennes. Cela se passe aussi partout en Cisjordanie. De nombreux champs d’oliviers séculaires appartenant aux fermiers palestiniens ont été brûlés par les colons au Nord du pays.

Nous avons peur du lendemain. Nous espérons que demain naîtra sans une nouvelle vague de violence dure et sans fin. Nous sommes parfaitement conscients que le Conseil de sécurité ne reconnaîtra pas la Palestine comme Etat souverain. C’est néanmoins notre vœu le plus cher que la communauté internationale adopte une position équitable et joue pleinement pour une fois son rôle de tiers neutre et impartial.

Dernièrement, un ami de l’Eglise de Moravie aux Etats Unis nous a fait cadeau d’un drapeau de la paix. Nous l’avons accroché ce matin au sommet du bâtiment principal de Star Mountain à côté du drapeau palestinien.

Je pense que c’est Le moment pour que ce drapeau de paix flotte au dessus de nos têtes. »

Par Ghada Naser (20/09/2011)

Source : www.chretiensdelamediterranee.com

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