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Arrêtés, battus et menacés de viol : le témoignage de la militante israélienne Leehee Rothschild

Les protestataires israéliens arrêtés le 3 mai suite à une manifestation en solidarité avec les grévistes de la faim palestiniens de la prison de Ramlé ont rapporté l’extrême violence et les abus de pouvoir qu’ils ont subis de la part de la police durant leur détention. Leurs plaintes ont été enregistrées par Adalah auprès du département du ministère de la Justice chargé d’enquêter sur la police. Voici le témoignage personnel de notre amie Leehee Rothschild, l’une des protestataires.


Leehee.jpg« C’est jeudi, et nous sommes venus pour protester devant le service hospitalier de la prison israélienne de Ramlé, où sont retenus les prisonniers palestiniens en grève de la faim dans un état de santé critique. Ils y sont maintenus en dépit du fait que l’hôpital de la prison ne peut leur procurer les services médicaux nécessaires dont ils avaient besoin. Ils y sont confinés dans leurs lits, sous haute garde, comme si quelqu’un qui a été en grève de la faim depuis plus de 60 jours pouvait tenter de s’échapper. Nous venons pour les soutenir, eux et les autres qui jeûnent contre un emprisonnement injuste dans des conditions atroces.

Nous sommes 300. Il y a des prises de parole de la part de membres de leurs familles, il y a des chants et des slogans, et des drapeaux palestiniens flottant en l’air. Pourtant, à un moment, les flics ont commencé à nous repousser. Nous reculons, mais ils continuent à nous pousser. Je trébuche et je tombe sur le sol. Ils continuent à pousser et d’autres gens tombent, et les flics me piétinent. Je hurle, encore et encore, mais ils continuent à pousser. A un moment, l’un d’eux attrape ma main et commence à me tirer de dessous la pile de gens tombés. La plus grande partie de mon corps reste coincée dans l’entremêlement des corps, et mes jambes sont pliées selon des angles très peu naturels.

Cela fait très mal, et je hurle. Un autre agent saisit mon autre main. Ensemble, ils parviennent à m’extirper de là. Ils me font mettre debout, bien que mes jambes soient inertes, et ils me traînent vers le fourgon de police. On nous conduit au commissariat, trois d’entre nous assis à l’arrière, quatre types coincés dans un siège prévu pour trois, tandis qu’un flic debout s’appuie sur eux, les comprimant encore davantage.

Nous sommes assis au poste de police( 17 personnes dont 2 internationaux, 5 Israéliens et 10 Palestiniens ont été arrêtés) , attachés les uns aux autres, attendant d’être interrogés,pour certains menottés, et d’autres les yeux bandés, quoique nous n’ayons à aucun moment été informés que nous étions arrêtés ou mis en détention. Nous ne sommes que deux filles. Les hommes sont dans l’autre pièce. Nous continuons à caresser l’espoir d’un élargissement rapide, quand nous commençons à entendre des gens qui hurlent et crient à l’extérieur, et bientôt ils commencent à les faire entrer. Plusieurs flics traînent chacun d’entre eux et ils sont jetés sur le sol, frappés à coups de pied et battus. Nous clamons : « Qu’est-ce que vous faites ? » et « Arrêtez de les battre ! », en essayant d’atteindre nos amis sous les bottes des policiers. Mais cela ne nous vaut que notre part de coups de poing et coups de pied, et nous sommes repoussées sur nos sièges.

L’une des jeunes filles est assise sur le banc à côté de moi ; un agent pose son poing sur sa tête et lui dit ; « si tu oses dire un seul mot, tu seras punie ». Nous crions et nous nous débattons tandis qu’ils l’emmènent, mais ils nous repoussent sur nos sièges en hurlant : « Assis, espèces d’Arabes puants », et « Ne bouge pas, sale chienne ». Nous pouvons entendre les tasers en action dans la pièce voisine, et il n’y a rien que nous puissions faire. Quand elle est ramenée dans la pièce, elle ne peut s’arrêter de trembler.

A partir de ce moment, le risque des tasers est omniprésent, bourdonnant dans le bureau voisin ou bien exhibé de temps en temps comme une menace. Quand ils me font sortir pour m‘interroger, ils les activent de nouveau. J’essaie de m’échapper pour rejoindre mes amis, mais le policier me saisit en disant que je vais l’accompagner maintenant, soit de bon gré soit menottée, et qu’une manière ou l’autre lui est égale.

Pires que la violence physique sont les humiliations et le harcèlement sexuel. Ils se moquent de moi parce que je suis myope. Ils disent que je ne peux rien voir, que je suis aveugle. Ils en font une excuse pour me pousser et me bousculer à chaque fois qu’ils m’emmènent quelque part. Je n’ai rien éprouvé de pareil depuis l’école primaire et ils savent parfaitement ce qu’ils me font ressentir. Ils nous traitent de putes et de chiennes et menacent de nous baiser. Au moment où je suis laissée seule avec une autre fille, un flic vient me dire que, puisque je suis juive et qu’elle est arabe, elle « va t’estourbir un jour ou l’autre ». Après quoi il ferme la porte en disant ; «Je devrais vous laisser seules toutes les deux, fais-lui la peau ». Quand vient son tour d’être interrogée, ils la saisissent en disant « Amenez cette pute puante ». Je demande à parler avec le chef du commissariat pour me plaindre des harcèlements. Je n’obtiendrai pas de lui parler, mais je suis menottée trois heures durant.

Au bout du compte, nous quittons le poste.(Une dizaine de Palestiniens et 5 Israéliens ont été arrêtés). Quand ils nous mènent au fourgon, ils nous sortent un par un du commissariat. A l’extérieur, au moins une demi-douzaine de flics attendent assis, infligeant à chacun d’entre nous une ultime tournée d’humiliations avant que nous nous en allions. Lorsque nous attendons à l’intérieur du fourgon, ils cognent sur le véhicule, lançant des pierres et des insultes en guise d’adieux.

Au moment où nous arrivons à Neve Tirtza (prison pour femmes), on nous conduit à l’infirmerie. Nous ne sommes pas examinées, seulement interrogées. L’aide-soignante me demande : « Est-ce que vous vous sentez bien ? ». Au regard déconcerté que je lui lance, elle ajoute « Vu les circonstances, bien sûr ». Je lui réponds donc « Non, je ne me sens pas bien. J’ai été battue et harcelée sexuellement tout au long de la nuit », et la policière qui se trouvait avec nous dans la pièce déclare : « Eh bien, c’est à quoi sert la police ».

Au tribunal, il est demandé que notre détention soit prolongée de quatre jours, prétendument pour poursuivre notre interrogatoire. Au lieu de quoi, le juge prend la décision d’une liberté surveillée, en nous interdisant pendant deux semaines de communiquer entre nous ou avec quiconque qui avait été présent dans la manifestation. Nous sommes relâchés, mais si nombreux sont ceux qui sont maintenus derrière les barreaux, sans espoir de justice ! Nous sommes relâchés, et bien que nous nous puissions y prendre part pour un moment, la lucha continua, la lutte continue.

Nous étions environ 300 manifestants, dont 17 ont été arrêtés, 2 de différents pays, 5 Israéliens et 10 Palestiniens. Certains d’entre eux ont été maintenus menottés au poste de police, et quelques-uns avaient en outre les yeux bandés tandis que nous étions là. Les policiers nous ont battus, donné des coups de pied, bousculés, certains d’entre nous subissant des décharges au taser, tandis que nous étions menottés. « 

*Leehee Rothschild participe activement depuis plus d’une décennie à la lutte des Palestiniens. Elle travaille maintenant avec l’association Anarchistes contre le Mur et Boycott de l’Intérieur. Elle s’exprime sur le militantisme et la lutte politique dans son blog Radically Blonde et à travers d’autres publications.

http://972mag.com/arrested-beaten-and-threatened-with-rape-a-personal-testimony/46150/

(Traduit de l’anglais par Anne-Marie PERRIN pour CAPJPO-EuroPalestine)

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