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La méthode israélienne pour rendre des citoyens israéliens apatrides

Selon les juristes palestiniens qui résident en Israël, la décision de rendre apatrides des milliers de Bédouins est manifestement illégale. Ci-dessous le reportage instructif d’Al-Jazeera sur ce sujet.


« Israël dépouille petit à petit de leur statut de citoyenneté les quelque 200.000 Bédouins palestiniens qui habitent les villages du sud du Néguev. Le prétexte : « on la leur a donnée par erreur ». Législateurs et habitants alertent sur ce nouveau moyen choisi par Israël pour faire disparaître cette population minoritaire.

Selon la députée au parlement israélien, Aida Touma-Suleiman qui fait partie de la Liste Commune, Israël applique la politique de révocation depuis plus de vingt ans mais celle-ci se pratique de plus en plus, en violation flagrante de la Loi de la citoyenneté d’Israël. Elle l’a appris par hasard au cours d’une visite dans un village du Néguev. Elle fait des recherches sur les conséquences de cette politique depuis plus d’un an.

Le ministère de l’Intérieur répond actuellement sur le champ aux Bédouins qui veulent simplement renouveler leur passeport ou en obtenir un nouveau, qu’ils ne sont pas citoyens de cet état. Qu’ils soient nés en Israël, y aient vécu toute leur vie, tant pis.

Des porte-parole du ministère de l’Intérieur ont affirmé au cours d’une réunion d’urgence aux parlementaires israéliens que cette politique est là pour corriger une « erreur de la part de l’état qui remonte à 1951 – trois ans après la création de l’état d’Israël ». Ils ont répondu à Touma-Suleiman que, selon le ministère, les Palestiniens auraient dû se faire enregistrer entre 1948 et 1951.

Toutefois, pendant 17 ans, les villes et villages bédouins palestiniens furent déclarés « zones militaires fermées » à partir du moment où Israël s’est déclaré « Etat » en 1948 : Les habitants ne pouvaient pas en sortir sans permis.

À cause de cette règle militaire, ils ne savaient rien.

Selon Touma-Suleiman, le ministère se vante d’avoir déjà révoqué ou d’être sur le point de révoquer la citoyenneté de « 2.600 Arabes ».

Elle estime que le nombre est bien plus élevé et que cette politique vise clairement les Bédouins en particulier :

– Ils sont déjà dans des villages non reconnus : si on leur refuse le droit d’y habiter, on leur refuse ainsi le droit d’exister dans cette zone.

Depuis des dizaines d’années, les Israéliens démolissent des habitations du Néguev, sous prétexte que les gens n’ont pas les permis de construire nécessaires, qu’il est impossible d’obtenir. C’est alors que les villes uniquement juives envahissent les terres palestiniennes et poussent les familles hors de ces zones.

Ceux qui restent manquent d’équipement de base et de moyens de développer leurs biens. À l’heure actuelle, une quarantaine de villages bédouins du Sud sont « non reconnus » – ce qui représente des dizaines de milliers d’habitations palestiniennes en danger de disparition.

Touma-Suleiman poursuit :

– Lorsqu’on leur enlève leur citoyenneté, on leur enlève en même temps l’arme qui leur reste, celle de s’opposer en tant que citoyens, aux évictions forcées.

De même Sawsan Zaher, juriste qui travaille avec Adalah, estime que cette politique de révocation n’est pas un fait unique. Il indique à Al Jazeera qu’il existe parallèlement des politiques similaires qui visent à établir des villes uniquement juives.

Pour semer la confusion, les autorités israéliennes conseilleraient à ceux qui veulent rétablir leur statut de citoyens de cet état, de faire des demandes comme étrangers ou nouveaux venus.

Adalah, est l’association de juristes qui défend les droits de la minorité arabe en Israël et qui représente à présent Touma-Suleiman, pour essayer d’annuler toute cette politique et forcer l’Etat à restaurer le statut de citoyenneté à ceux qui sont concernés.

Zaher veut aborder le sujet en général, non au cas par cas.

Dans une lettre adressée au ministère de l’Intérieur, Adalah souligne les illégalités et exige l’annulation immédiate de cette politique, et la restitution de citoyenneté à ceux qui l’ont perdue : La loi de citoyenneté israélienne de 1952 n’autorise pas l’Etat à révoquer cette citoyenneté, même s’il y a eu une erreur dans l’enregistrement. C’est l’affaire de la haute cour.

Il poursuit :
– La seule situation où on peut annuler la citoyenneté, c’est quand un étranger demande de se faire naturaliser et qu’il fournit de faux renseignements. Seul peut le faire le ministre de l’Intérieur au moins trois ans après l’attribution de citoyenneté – autrement, la haute cour est la seule entité qui puisse révoquer la citoyenneté.

Selon Zaher et Touma-Suleiman, le ministère de l’Intérieur n’a pas nié l’existence de la politique en question, mais il s’est refusé à faire tout commentaire, à Al Jazeera, dont le bureau en Israël est menacé de fermeture.

Touma-Suleiman a dit avoir reçu en début de semaine, une réponse du ministère de la Justice, qui est moins qu’honnête. Adalah a donc l’intention de s’adresser à la haute cour.

En ce moment, il existe des familles dont certains membres sont reconnus citoyens et d’autres, devenus « apatrides » – statut qui viole le droit international.

Sallam Al Saraheen, résident âgé de 23 ans, du village de Bir Hadai, raconte à Al Jazeera qu’il essaie depuis un an, d’obtenir la citoyenneté israélienne. Cinq de ses frères ont réussi mais les trois autres, non :
– C’est une politique arbitraire qu’ils utilisent pour nous faire taire.

Un autre, Salim Dantiri, âgé de 50 ans, raconte qu’il tourne en rond depuis plus de vingt ans. Au ministère de l’Intérieur où il se rend régulièrement, on lui a dit un jour qu’il n’était pas citoyen de cet Etat. Et pourtant il a voté à toutes les élections !

– Beaucoup d’entre nous ne savaient pas que cette politique existait : Nous, Bédouins, menons une vie simple. La plupart du temps, on n’a pas besoin de quitter le pays. Nous nous servons de nos papiers d’identité qui certifient que nous sommes des citoyens israéliens. Certains d’entre nous avaient toujours l’impression d’être des citoyens et de n’avoir pas besoin d’un passeport mais beaucoup se sont empressés d’en faire la demande pour s’assurer qu’ils étaient bien des citoyens.

Au cours des 25 dernières années, Al Dantiri a dû faire face à des difficultés croissantes, chaque fois qu’il voulait obtenir un visa pour faire un voyage. Souvent, ses documents de voyage israéliens ne sont pas reconnus comme tels dans un grand nombre d’ambassades étrangères. À ce jour, une seule exception, dit-il : Il a pu visiter la Jordanie pour une période limitée à deux semaines.
– Chaque fois que je m’assure avoir les bons papiers qui prouvent que je suis né dans cet Etat et que je présente une demande détaillée, on me dit d’attendre six mois à la maison et qu’on va m’envoyer quelque chose, mais c’est chaque fois l’attente et je ne reçois rien. Et on ne me donne aucune raison valable.

Les habitants des villages concernés attendent beaucoup de leurs députés, mais Touma-Suleiman estime que les Bédouins palestiniens doivent aborder cette question et chercher une solution en se mobilisant et en formant un front uni :
– Nous devons faire en sorte d’aider les habitants du Néguev à comprendre cette politique. Malheureusement, beaucoup de ceux qui ont perdu leur citoyenneté, croyaient qu’il était simplement question d’une mesure administrative. Il nous faut encourager ceux qui sont sous la menace de révocation et nous efforcer de former, dans ce cas, un front uni. »

(Traduit par Chantal C. pour CAPJPO-EuroPalestine)

Source : Farah Najjar pour Al Jazeera :

http://www.aljazeera.com/indepth/features/2017/08/israeli-citizens-stateless-170831105301896.html

CAPJPO-EuroPalestine