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« La révolte des veaux », par Amira Hass

Quand l’Autorité Palestinienne boycotte le veau israélien…


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Depuis le temps que les Palestiniens sont traités comme du bétail, il serait temps…

« La nation de génies à la pointe des hautes technologies avec, pour preuve de son intelligence, la possession de la bombe atomique, est à nouveau la cible d’un complot qui, est-il vraiment nécessaire de le préciser, est forcément antisémite.

De quoi pourrait-il donc s’agir ? Attention, un grave danger menace le pays :
Le veau israélien est interdit à l’importation par l’Autorité Palestinienne.
Si, au moins, ce pouvait être le résultat d’une intifada végétarienne…Même pas. Cette décision, qui date du mois de septembre dernier, concerne en tout et pour tout 120 000 bêtes qui, chaque année, étaient jusque là importées en Palestine occupée. Soit 60 % du total de la viande consommée, Gaza assiégée et Cisjordanie occupée ensemble.

OY! Tous aux abris, on est foutus !

Ouf ! Nous voilà sauvés, le grand général en chef, en charge de la coordination des activités gouvernementales sous occupation, Mr Kamil Abu Rokon en personne, a appelé tout un chacun à la raison :

« Boycottez toutes sortes de produits made in Israel, mais où avez vous donc la tête ? Israël ne voudra jamais ! »

Israël, fidèle à ses habitudes de fier et valeureux guerrier, n’a pas changé d’un iota sa conduite, ce sera la vengeance collective et aveugle comme à l’accoutumée. Dixit le COGAT un samedi soir, à 20:43 très précisément. La délivrance de ce communiqué officiel en un jour et un horaire aussi inhabituels, nous montre à quel point le pays prend les choses au sérieux. Espérons, toutefois, que le Shabbat a été pleinement respecté.

Deux jours avant que la très grave menace ne voie le jour, une douzaine de fermiers israéliens traversèrent en convoi tout le pays, pour se rendre finalement à Jérusalem, où les reçut le premier ministre. Israel.agrisupportonline.com, le site en hébreu, a reporté l’épopée en nous montrant des camions et des jeeps arborant crânement des banderoles où l’on pouvait lire : “BDS, une guerre économique financée par Israël. Une atteinte au libre échange qui affecte les fermiers israéliens. Une seule réponse : la fermeture totale de nos frontières, sans discussion ».

Que retenir de tout ce florilège ?

Que l’Autorité Palestinienne et son maître, Israël, jouent à forces égales, dans le monde merveilleux du libre marché.

D’après le rapport israélien, ce sont en tout 500 familles israéliennes qui vont être touchées par l’initiative palestinienne. Parmi elles, celle d’ Avshalom Vilan, le secretaire-général de la Fédération des Agriculteurs Israéliens, ancien politique membre du Meretz au demeurant. « Le protocole de Paris doit être respecté ! » nous dit cet (ancien ?) homme de gôôche, comptant parmi les fondateurs de la Paix Maintenant, et qui va jusqu’à avancer que la décision palestinienne est le résultat “de conflits internes à l’Autorité Palestinienne où rivalisent commerçants et politiciens, tous corrompus et animés par l’appât du gain.” Rien de moins.

Depuis maintenant 25 ans que furent signés les accords d’Oslo, avec pour corolaire le protocole des relations économiques, – accords temporaires, dont Israël applique, ou ignore purement et simplement les obligations selon qu’elles servent, ou non, ses propres intérêts -, l’économie palestinienne est en continuel déclin. Alors que le salaire moyen palestinien est en dessous du smic pratiqué en Israël, la population palestinienne doit, pour son alimentation, faire face à des prix qui pèsent très lourdement sur ses ressources.

Après lui avoir volé son eau, Israel la lui revend à des tarifs très élevés, tout en veillant à assurer parcimonieusement sa distribution, petit à petit, par l’imposition de quotas. Sous prétexte de sécurité, Israël met des freins à l’exportation de produits palestiniens, et empêche l’importation d’équipements essentiels à la survie des Palestiniens, comme ceux de Gaza, où les hôpitaux sont dans un état alarmant à la suite des bombardements à répétition israéliens.

Dans ce contexte, on voit mal comment la décision prise par l’Autorité Palestinienne pourrait, de près comme de loin, s’apparenter à un boycott digne de ce nom, qui frapperait efficacement l’économie israélienne. Plus modestement, Il s’agit, pour l’Autorité Palestinienne, d’opérer progressivement un désengagement de l’économie de l’occupant.

Du côté palestinien, des critiques n’ont pas mis longtemps à se faire entendre : La dépendance palestinienne vis à vis de l’économie israélienne est telle, que la décision prise par l’Autorité Palestinienne, n’est rien moins qu’un pavé jeté dans la mare, déclarèrent les économistes. C’est fait pour bénéficier à ceux qui détiennent le monopole en la matière, et ont donc le pouvoir d’aller s’approvisionner sur d’autres marchés, nous expliquèrent des militants.

Certaines de ces critiques pourraient se voir contredites par les menaces exercées, sous pression des éleveurs, par le coordinateur. Que l’on se rassure, l’économie israélienne s’en remettra, mais il s’avère en effet que les habitudes des consommateurs palestiniens ne sont pas à prendre à la légère. Le gouvernement de Mohammed Shtayyeh détient là l’opportunité d’un levier politique non négligeable, et il n’y a là rien de répréhensible à s’en servir contre un régime étranger qui pratique l’occupation militaire, en n’épargnant rien, en termes de cruauté, à la population qu’il vole, massacre et torture.  »

(Traduit par Lionel R. pour CAPJPO-EuroPalestine)

Source : Haaretz

CAPJPO-EuroPalestine