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Maurice Rajsfus est mort

Nous avons eu la tristesse d’apprendre, ce dimanche, le décès de notre ami Maurice Rajsfus, combattant inlassable de la lutte contre le racisme, qu’il s’agisse des violences de la police en France, de l’Afrique du Sud au temps de l’apartheid, ou encore du martyre infligé par Israël au peuple palestinien.

Né en 1928 à Aubervilliers (région parisienne) de parents polonais juifs, Maurice Rajsfus était lui-même un rescapé, de justesse, du génocide nazi. Arrêté en même temps que le reste de sa famille par la police française, lors de la vaste «Rafle du Vel’ d’Hiv » de juillet 1942, il était parvenu à échapper, avec Jenny sa soeur aînée, à l’envoi au camp de Drancy où étaient internés, sous la garde de gendarmes français, les juifs en attente de déportation vers les camps de la mort nazis. Pas comme sa mère et son père, assassinés à Auschwitz, que leurs enfants ne revirent jamais plus.

Pendant deux ans, jusqu’à la libération de Paris en 1944, le garçon, né Mosché Plocki, va survivre en se cachant, bien obligé de sortir dans la rue et de prendre le métro pour effectuer des petits boulots et gagner de quoi manger un peu. Il retracera sa vie d’adolescent traqué dans une superbe bande dessinée, parue il y a une dizaine d’années, « Petit Maurice dans la tourmente ».

L’un de ses premiers combats d’écrivains, à partir des années 1960-1970, sera de démonter le mythe prévalant d’une France globalement résistante à l’occupation allemande pendant la Deuxième Guerre Mondiale, le régime de Vichy et ses institutions étant ravalés, par la propagande officielle, celle de De Gaulle comme celle de Mitterrand, au rang « d’accident de parcours ». 

« J’en veux profondément à la police de ce pays, plus qu’aux Allemands ; sans cette police, les nazis n’auraient pas pu faire autant de dégâts », devait déclarer Maurice, auteur d’une série de livres sur la période, que ce soit « La police de Vichy », « Drancy : un camp très ordinaire », et même un ouvrage très sévère sur les notables israélites français regroupés au sein de l’UGIF (Union Générale des Israélites de France), qui, croyant pour certains qu’ils échapperaient à l’entreprise génocidaire, et qu’au final seuls les juifs « pas français » seraient visés par la machine de mort allemande, allèrent jusqu’à collaborer avec elle.

Pas convaincu, c’est le moins qu’on puisse dire, par le retournement de veste in extremis, en août 1944, de cette police parisienne qui avait dans l’ensemble si bien pratiqué, pendant l’Occupation, la répression des Résistants (souvent juifs et étrangers, au demeurant) et des juifs traqués, Maurice Rajsfus continua, toute sa vie durant, de dénoncer la violence de cette institution, que ce soit par la participation à des comités ou par la rédaction d’ouvrages originaux, comme cette histoire méconnue de la tuerie perpétrée par la police dans les rangs de syndicalistes maghrébins lors du défilé parisien du 14 juillet 1953.

Anti-raciste en France, Rajsfus l’était tout autant à l’international. Lorsqu’il effectue ses premiers voyages en Palestine occupée et dans les camps de réfugiés Palestiniens en Jordanie, Maurice en revient avec des livres dénonçant l’injustice faite à ces derniers par le sionisme et son prolongement l’Etat d’Israël. Injustice, qui plus est, conduite au nom de cette Shoah où tant des siens ont péri.

C’est donc tout naturellement qu’en 2002, lorsqu’est créée l’association CAPJPO (devenue CAPJPO-EuroPalestine), Maurice Rajsfus sera l’un des tout-premiers signataires de ses appels, et de la dénonciation, malgré les calomnies,  de tout chantage à l’antisémitisme.

Il témoignera entre autres un certain nombre de fois en faveur des militants de la campagne BDS (Boycott – Désinvestissement – Sanctions) poursuivis sur demande des officines israéliennes en France. 

Maurice Rajsfus au tribunal de Bordeaux, où il est venu témoigner en faveur de Sakina, poursuivie par les officines sionistes

On l’entendit plus d’une fois fustiger cette fraude, « qui consiste pour les avocats du terrorisme israélien, à exploiter la mémoire du génocide au service de leur sale besogne ».

Nous nous souvenons aussi avec nostalgie et émotion de la venue de Maurice à la Librairie Résistances, à plusieurs reprises depuis l’ouverture de celle-ci en 2006, pour la présentation de ses livres.

Enfin, lorsque Macron, à peine élu président, ne trouve rien de mieux que d’inviter le bourreau Netanyahou pour commémorer le 75ème anniversaire de la Rafle du Vel’ d’Hiv, Maurice, encore lui, monte au créneau. 

Nous reproduisons ci-dessous, en guise d’hommage, le texte de son allocution, lue lors de notre meeting de protestation contre la venue de Netanyahou :


« Un raciste invité à Paris !

Ce 16 juillet 2017, qui marque le 75ème anniversaire de la rafle dite du Vel d’Hiv, nous apporte une très mauvaise surprise commémorative : la venue à Paris du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou, invité par Emmanuel Macron.

Rescapé de cette rafle, intégralement organisée par des policiers français soumis aux ordres de la Gestapo, il m’est insupportable de tolérer les honneurs faits ce jour à celui qui se flatte de vouloir chasser les Palestiniens hors de leur pays, dans le même temps que sa police et son armée persécutent celles et ceux qui revendiquent le droit de vivre libres.

D’avoir survécu au génocide qui a frappé les Juifs de France me donne surtout le droit de ne pas accepter que d’autres minorités soient à leur tour menacées. Pour les dirigeants israéliens, les Palestiniens sont un non-peuple. D’où cette volonté de les traiter comme des chiens, et cela sans que les démocraties occidentales s’en montrent particulièrement affectées. 

On nous dira qu’en Israël, il n’y a pas de camp d’extermination- c’est fort heureux. Il n’en reste pas moins que la mort lente d’un peuple ne peut être admise par les citoyens du monde libre.

En ce 16 juillet 2017, la présence du raciste Netanyahou a surtout pour effet malsain de justifier le terrorisme d’Etat que subissent les Palestiniens.

Maurice Rajsfus

CAPJPO-EuroPalestine