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« Le silence d’Israël sur l’Ukraine », par Haggai Matar

« Un peu plus d’un mois après l’invasion de l’Ukraine par la Russie, Israël reste sur la bordure en ce qui concerne la guerre. Alors que le gouvernement a publié un certain nombre de déclarations modérées en faveur des Ukrainiens, il a rejeté les demandes de soutien militaire de Kiev tout en essayant de maintenir de bonnes relations avec la victime et l’agresseur. En vérité, les intérêts israéliens dans cette guerre dépassent de loin ces considérations à court terme et résident dans des questions plus profondes de lois et de normes internationales. », estime Haggai Matar, rédacteur en chef du magazine d’opposition israélien 972+

"Le silence d'Israël sur l'Ukraine", par Haggai Matar
L’ancien Premier ministre Netanyahou et sa femmeavec le président russe Poutine au théâtre Bolchoï à Moscou, en 2016. (Haim Zach/GPO)

« Alors que la plupart des gouvernements occidentaux dénoncent la Russie pour son attaque brutale contre un pays voisin, Israël a un problème inhérent à s’exprimer clairement contre l’occupation de la terre et de la souveraineté d’un autre peuple. Il ne peut pas adhérer sans réserve aux sanctions contre la Russie ou dénoncer ses crimes de guerre tout en menant simultanément une campagne diplomatique contre le mouvement de boycott, de désinvestissement et de sanctions dirigé par les Palestiniens, ou contre les poursuites devant la Cour pénale internationale concernant des crimes présumés commis dans le contexte de l’occupation militaire israélienne », analyse-t-il..

« Dans une tentative d’offrir une alternative à la démocratie libérale et au droit international, Netanyahou voulait s’assurer que si jamais Israël était sanctionné par les puissances américaines ou européennes, il aurait des marchés auxiliaires et des fournisseurs qui ne prennent même pas la peine de faire semblant – comme l’Occident le fait – concernant les droits des Palestiniens. Le dernier des triomphes de Netanyahou dans ce domaine, facilité par le président Donald Trump, a été la signature des accords d’Abraham, ajoutant les États arabes du Golfe à la longue liste des pays autoritaires qui choisissent Israël plutôt que les Palestiniens. Ce réalignement régional a été constaté dimanche, lorsqu’Israël a accueilli des dirigeants des Émirats arabes unis, de Bahreïn, d’Égypte et du Maroc lors du soi-disant sommet du Néguev. Cet axe anti-libéral a survécu à Netanyahou, et maintenant, alors que le gouvernement Bennett-Lapid refuse de condamner la Russie, il opère avec le même objectif et les mêmes règles du jeu.

C’est également le contexte de la récente vague de rapports reconnaissant la nature du régime d’apartheid d’Israël, des années après que les Palestiniens et les militants sud-africains l’ont fait. Il s’agit, en moins de deux ans, des groupes israéliens de défense des droits de l’homme Yesh Din et B’Tselem, des organisations internationales Human Rights Watch et Amnesty International, et, cette semaine encore, du rapporteur spécial des Nations unies sur les territoires palestiniens occupés. On peut dire que le point de basculement central de ces rapports se trouve dans la décision israélienne, enhardie par la nouvelle alliance illibérale, de s’opposer ouvertement à la solution à deux États en paroles autant qu’en actes.

Alors qu’il y a dix ans, l’ordre international fondé sur des règles exigeait que Netanyahou fasse au moins semblant d’approuver cette solution (comme dans son discours de Bar Ilan en 2009), l’existence du nouvel axe autoritaire a permis au Premier ministre d’aller publiquement vers l’annexion formelle de larges pans de la Cisjordanie. Ici aussi, l’héritage de Netanyahou se perpétue avec ses successeurs : Lapid et Bennett déclarent régulièrement qu’il n’y aura pas de négociations avec l’Autorité palestinienne au-delà de la sécurité et de la coordination économique, et qu’Israël considère le « statut quo » d’occupation, de siège et d’apartheid comme base d’une solution à long terme. Pendant trois décennies, Israël a été en mesure de repousser les critiques internationales en utilisant la faible excuse des « pourparlers de paix », tout en renforçant son autorité sur les Palestiniens sur le terrain et en procédant à l’annexion de facto de leur terre. Le projet Netanyahou cherchait à saper l’ordre mondial légal au point de pouvoir retirer le masque d’Israël sans en payer le prix. Comme l’ancien Premier ministre lui-même l’a dit un jour : « Ils [le monde] deviendront plus comme nous que nous ne deviendrons comme eux. Et maintenant, alors qu’Israël choisit de garder le silence sur l’occupation de l’Ukraine, il le fait pour s’assurer qu’« ils » continuent à « nous ressembler ».

Par Haggai Matar

(Traduit par CAPJPO-EuroPalestine)

Source : https://www.972mag.com/edition/russia-israel-occupiers/

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