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Bilan des crimes israéliens du 5 au 11 mai 2022

 L’assassinat d’une journaliste vedette et l’attaque en direct de son cercueil ont braqué pour une fois l’attention des politiques et des médias sur les crimes perpétrés en Palestine. Mais sait-on que, outre Shirine, trois nouveaux Palestiniens de Cisjordanie, dont deux adolescents, sont tombés en une semaine sous les balles israéliennes ?

Sombre bilan, auquel il faut ajouter 76 blessés, dont 7 mineurs, 123 embastillés, dont 13 mineurs, 57 attaques de colons, visant notamment deux enfants et un bus scolaire, 12 maisons démolies, 11 destructions diverses (boutiques, tentes, étables…), 4 confiscations de matériel (bulldozers…) et le vol d’argent liquide.

La Cisjordanie a subi 149 raids et Gaza 19 attaques contre ses pêcheurs, ses terres agricoles, ses citoyens. Pour mieux commémorer l’indépendance d’Israël, le bouclage des territoires palestiniens a été total jusqu’au 8. A cette date, les titulaires de permis de travail ont été ré-autorisés à trimer au-delà du mur, à l’exception des habitants de Rummanah, près de Jénine, village dont sont originaires les deux auteurs d’un attentat en Israël.

A Gaza par contre, le passage d’Erez, unique voie de communication avec Israël pour les personnes, est resté fermé sauf pour des cas humanitaires triés sur le volet. La Cisjordanie a subi en outre 81 checkpoints volants et 14 bouclages de routes principales en plus des 108 points de contrôle habituels. 

Une armée d’assassins 

Pour de nombreux Palestiniens, obligés de travailler en Israël pour faire vivre leur famille, le bouclage intégral de la Palestine était une catastrophe. Au point de pousser certains à risquer le tout pour le tout. Originaire de Khan Younis, dans la bande de Gaza, le jeune Mahmoud Aram (27 ans) avait pu se rendre en Cisjordanie pour raison médicale, suite à un accident du travail. Ouvrier du bâtiment, il envoyait une partie de son salaire à sa famille restée prisonnière de l’enclave de Gaza, où, du fait du blocus, le taux de chômage atteint 47% (record du monde)*. Dimanche 8 à 19 h 20, Mahmoud a commis « l’irréparable ». Profitant d’un trou dans le mur de séparation à proximité du checkpoint de Jabara, près de Tulkarem, il a bravé le blocus pour se rendre  à son travail. Ils sont des milliers de travailleurs palestiniens à agir ainsi, pour le plus grand bénéfice de l’économie israélienne qui ne dédaigne pas cette main d’oeuvre à bon marché. Mais Mahmoud n’a pas vu le soldat israélien qui, dans son dos, l’a abattu sans sommation.

Dans la « démocratie » israélienne, franchir le mur est aussi risqué qu’en Allemagne de l’Est au temps de la guerre froide…

Mutasim Talib Atallah, lycéen du village de Harmala, a quant à lui trouvé la mort dimanche 8 à 22 h 20. Il n’avait que 17 ans. Selon les médias israéliens (seule source disponible), il aurait escaladé la clôture de la colonie de Tekoa, un couteau à la main. C’est alors qu’un garde de la colonie l’aurait abattu avec son fusil automatique. Son conseiller d’éducation le décrit comme un garçon affable, calme et courtois, qui, en tant qu’aîné, voulait aider ses frères et sœurs après l’obtention de son diplôme. Son père précise qu’il avait de grands projets, se passionnait pour l’artisanat en bois d’olivier, et ne parlait pas spécialement de politique*. Pas franchement le profil d’un auteur d’attentat suicide…

Il faut savoir que 144 hectares de la ville palestinienne de Tuqu’ (voisine de Harmala) ont été confisqués au profit de trois colonies, dont Tekoa.

Thaer Yazori, lycéen et footballeur âgé de 16 ans, a été frappé d’une balle mortelle en pleine poitrine le 11 mai à 9 h 15 alors qu’il manifestait à l’entrée de la colonie de Psagot, construite sur des terres volées à Al-Bireh.

Alaa Ali Manasra (17 ans) a été blessé lors de la même attaque (voir https://europalestine.com/2022/05/12/israel-tue-un-autre-jeune-de-16-ans-pres-de-ramallah/).

Peuplé de près de 2000 h, Psagot isole Ramallah des villages environnants. 

Meurtre avec préméditation pour Shirine 

Mercredi 11, c’est la journaliste palestino-étatsunienne Shirine Abou Akleh, vedette d’Al-Jazeera, qui était assassinée lors d’un reportage à Jénine. C’est ainsi qu’Israël entend dissuader les journalistes de témoigner, et spécialement ceux d’Al Jazeera, chaîne d’information universellement respectée.

ISM France a établi une liste (non exhaustive) de 40 journalistes assassinés par Israël depuis 12 ans. Shirine est la 41ème (https://ismfrance.org/index.php/2022/05/11/lassassinat-de-shireen-abu-akleh-liste-non-exhaustive-des-journalistes-palestiniens-tues-par-les-forces-israeliennes-dans-lexercice-de-leur-metier/). Rien qu’en 2021, le PCHR dénombre 150 agressions israéliennes contre des journalistes en Palestine occupée…

Résumons les faits. Mercredi 11 mai, 6 h 30. Pour la énième fois, les forces d’occupation envahissent Jénine. Elles encerclent la maison de Abdullah al-Hosary, manifestant de 22 ans assassiné le 1er mars dernier. Des résistants armés interviennent et des coups de feu sont échangés. Au bout d’un quart d’heure, la fusillade cesse – les résistants étant sans doute à cours de munitions. C’est alors que les occupants changent de cible et visent les journalistes présents, qui se tiennent à l’écart, équipés de casques et de gilets pare-balles marqués « PRESS ». Aucune confusion possible ! Il a fallu toute l’adresse d’un tireur d’élite posté sur un toit pour frapper Shirine précisément sous l’oreille, seule portion de la tête que ne couvrait pas son casque, dans l’intention évidente de la tuer ELLE.

A 7 h 15, l’hôpital Ibn Sinai de Jénine annonçait le décès de Shirine. Le caméraman qui l’accompagnait, Ali Samoudi, a bénéficié d’un traitement plus clément : il n’est « que » blessé. Est-il utile de mentionner l’allégation ridicule selon laquelle Shirine aurait été victime d’un tir de « l’armée palestinienne », comme l’a écrit France 24 ? Comme quoi, tous les journalistes ne se valent pas…Vu la gravité de cette provocation, il est clair que le sniper a agi sur ordre.

Dans la foulée, la maison de Shirine à Beit Hanina a été perquisitionnée et la police a fait 5 blessés supplémentaires, dont un soignant, parmi la foule indignée. Et le cercueil bousculé lors de l’enterrement a mis un comble à l’ignominie… 

Colons et soldats terroristes 

La violence de l’occupant se traduit aussi par les 76 blessés de cette semaine, victimes de 149 raids, de 74 répressions de manifestations, de 7 agressions policières ou de dizaines d’exactions de colons.

Pour s’en tenir aux mineurs :

– Lors de la manifestation du vendredi contre la colonie d’Evyatar, à Beita, deux mineurs (non identifiés) souffrent de blessures, en plus des nombreux intoxiqués par les gaz.

– Dimanche soir, lors d’un raid sur Al-Khader et des affrontements qui s’ensuivent, un autre mineur est blessé et conduit à l’hôpital. Deux colonies sont implantées sur le territoire de cette petite ville, dont une partie des terres est rendue inaccessible par le mur de l’apartheid.

– Lundi soir, un groupe de colons se rend en procession au « tombeau de Joseph », en périphérie de Naplouse. Les forces israéliennes qui les escortent attaquent les manifestants. Quatorze d’entre eux sont blessés, dont Rami Abu Salih (17 ans). Quelque 22 autres souffrent de suffocation. Ce tombeau est censé abriter la dépouille du patriarche Joseph, fils de Jacob.**

– Mardi midi, au sud d’Al-Dhahirah, Abdullah Humaidan (15 ans) est renversé intentionnellement par un colon au volant de sa voiture. Souffrant de fractures multiples et de contusions, il est hospitalisé. Le même jour, une bande de colons attaque un jeune de 14 ans près du cimetière de Mamilla à Jérusalem. Il doit être hospitalisé. Ce cimetière, où « reposent » notamment, des chrétiens de l’ère pré-islamique, des croisés, ainsi que d’illustres soufis et chefs mamelouks, est passé au bulldozer par le colonisateur dans le but d’y construire un musée… de la tolérance !

– Le soir, Jamal Sabri Joudi (16 ans) a la double peine : blessé, il est kidnappé par l’occupant lors d’affrontements à Al-Bireh. 

– Mercredi à 9 h 15, Alaa Ali Manasra (17 ans) est blessé lors de la même attaque israélienne qui a causé la mort de Thaer Al-Azuri. 

Un Etat kidnappeur 

Pendant ce temps, le grand enfermement des Palestiniens se poursuit. Ils sont 123 cette semaine à avoir été enlevés à leurs familles, dont 13 mineurs :

Bilan des crimes israéliens du 5 au 11 mai 2022

Vendredi à 17 h 35, lors d’un raid sur Silwad, les forces d’occupation kidnappent Qusai Hamed (14 ans). C’est dans ce bourg proche de Ramallah qu’un gosse de six ans, citoyen des Etats-Unis, a été tué par un sniper israélien en 2014. Non loin de là, à Sinjil, trois gamins sont raflés ce même après-midi : Muhammad Thaer Al-Ghafri, Yousef Ahmed Asfour (13 ans tous les deux) et Alaa Haitham Asfour (11 ans !!!). 

Samedi, un adolescent de 17 ans nommé Nassim Marwan Nabrisi, habitant du camp d’Al-Fara’a près de Tubas, est retenu prisonnier à un checkpoint. 

Dimanche à 4 h 30 du matin, deux mineurs non identifiés sont enlevés au camp d’Al-Arroub, au sud de Bethléhem. 

Lundi à 5 h 10 du matin, lors d’un raid sur Naplouse, Ibrahim Muhammad Hashash (17 ans) est arraché à sa famille pour être envoyé en détention. A 13 h 30, Ibrahim Muhammad Inaya (14 ans) est enlevé lors d’un raid sur Azzun, à l’est de Qalqiliya. A 23 h, Amjad Ahmed Owais (17 ans) est enlevé par des soldats stationnés à l’entrée du village de al-Lubban al-Sharqiya, au sud de Naplouse***. 

Mercredi à 4 h, lors d’un raid nocturne sur Silwad, l’occupant s’empare de quatre habitants, dont Hassan Shehadeh Hammad (14 ans). En même temps, au cours d’un raid sur Sanur, au sud-est de Jénine, les attaquants kidnappent Yamen Fayez Abu Ali (16 ans). Le même jour, les forces d’occupation emmènent en détention un enfant de 10 ans, Noureddin Muhammad, du village d’Al-Mughayer. Il sera relâché sur intervention d’un officier de liaison de l’Autorité Palestinienne mais l’on peine à évaluer l’impact psychologique de cette épreuve sur un gamin de cet âge… C’est dans ce même village, au nord-est de Ramallah, qu’un enfant de 13 ans avait été tué en 2020 au cours d’une manifestation… 

Vengeance à l’israélienne 

Les punitions collectives sont considérées comme des crimes de guerre. Israël en est coutumier. Samedi 7, à 3 h du matin, policiers, membres des unités spéciales et experts en explosifs escortent un bulldozer en direction de Silat al-Harithiya, village proche de Jénine. Selon un scénario éprouvé, ils encerclent la maison de Omar Yasin Jaradat, emprisonné depuis le 19 décembre pour avoir participé à une attaque contre un colon. Les habitants de la maison sont chassés en même temps que dix autres familles du voisinage. Lacrymos et bombes assourdissantes maintiennent à distance les gens du quartier.

Comme toujours en pareil cas, les balles des soldats sont censées répondre aux pierres des manifestants. De nombreux villageois souffrent de suffocation. Un villageois est arrêté. Pendant ce temps, l’équipe de démolisseurs s’active. Le 3ème étage est dynamité mais c’est toute la maison qui est gravement endommagée, jetant à la rue trois personnes, dont un enfant.

Quand on parle de « conflit israélo-palestinien », dans une trompeuse symétrie, peut-on préciser le nombre d’enfants israéliens tués, blessés, kidnappés ou jetés à la rue ? Zéro (et c’est heureux). Qui est terroriste ? 

* Sources : https://english.alaraby.co.uk/news/israel-kills-two-palestinians-critically-wounds-one** Les historiens pensent qu’il s’agit en fait d’un sanctuaire cananéen et que son attribution à Joseph est inspirée de la légende de Dionysos.*** La mainmise par les colons sur les sources de ce village a fait l’objet d’un rapport de l’ONU en 2012. 

Compilé par Philippe G. pour CAPJPO_Europalestine à partir du Palestinian Centre for Human Rights (PCHR) https://pchrgaza.org/en/, du Palestinian Monitoring Group (PMG): http://www.nad.ps/ et de www.en.wikipedia.org.

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