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« 2022 : une année catastrophique pour Gaza », par Ziad Medoukh

« Une nouvelle année qui s’écoule, et une autre qui commence. Mais pour toute la population civile dans la bande de Gaza-une région enfermée et isolée, une enclave côtière laissée à son sort depuis plus de seize ans- rien ne change, et cela depuis des années, voire des dizaines d’années. », écrit Ziad Medoukh dans un bilan dressé 14 ans ans jour pour jour après l’attaque israélienne de 2008-2009 contre la bande de Gaza, qui a coûté la vie à 1 400 Palestiniens, pour la plupart des civils.

Ce bilan intervient également alors l’occupant a ouvert des digues le long de la clôture périphérique à l’est de la bande de Gaza, provoquant cette semaine une accumulation d’eau de pluie abondante qui a inondé les maisons et les terres agricoles de l’enclave assiégée.

« Même si la bande de Gaza a continué à vivre et à exister cette année , contrairement aux rapports internationaux qui prédisaient que Gaza serait une région « invivable « , la population a connu une année très particulière et absolument catastrophique. A tous les niveaux surtout sur le plan sécuritaire et humanitaire pour ces habitants qui essayent au début de chaque nouvelle année d’oublier ce qu’ils ont vécu l’année précédente, et de former le vœu d’ un changement de leur situation épouvantable dans leur prison à ciel ouvert », souligne Ziad. 

« La population civile a subi une nouvelle agression militaire israélienne du 5 au 7 août 2022, qui a causé la mort de 52 palestiniens, dont 16 enfants, 4 personnes âgées et 5 femmes, ainsi que 328 blessés, sans oublier la destruction massive des infrastructures civiles , et des pertes économiques de 9 millions d’euros. 

Cinq mois après cette agression, rien ne semble changer pour les Palestiniens de Gaza, et aucun projet de reconstruction public ou privé n’ a commencé, même pour les destructions causées par l’offensive de mai 2021, avec le maintien du blocus, et l’interdiction par ordre militaire israélien de faire entrer les matériaux de construction dans l’enclave palestinienne. 

Tous les secteurs économiques et commerciaux de la bande de Gaza ont connu un déclin important en 2022 : leur capacité de production a diminué de 76 % selon la Chambre de commerce et d’industrie de Gaza, en raison de la faiblesse du pouvoir d’achat des habitants, qui se limitent aux dépenses de première nécessité. 

La guerre en Ukraine a eu des conséquences dévastatrices pour la sécurité alimentaire mondiale, et a conduit à une augmentation très sensible des prix des produits de base, tels que le gaz, le blé, le riz et le carburant. La bande de Gaza importe environ 80% des biens et des produits de l’étranger, dont la plupart sont des produits de base de consommation quotidienne, tels que la farine, le riz, la farine, le gaz et le pétrole,

Gaza a enregistré une croissance de moins de 2% cette année. Le taux de pauvreté a dépassé les 73%. Le taux de chômage est le plus élevé au monde, aux alentours de 63%. Le chômage chez les jeunes de moins de 30 ans atteint 74%. De ce fait, le nombre de familles menacées d’insécurité alimentaire atteint 72 %, selon le bureau des Nations-Unies pour le commerce et le développement (CNUCED). 

Plus de 73% de la population de Gaza dépend désormais de l’aide internationale, c’est-à-dire 3 personnes sur 5- plus de 1.300.000 personnes ont bénéficié du programme de l’aide alimentaire en 2022.

Selon le syndicat du travail dans la bande de Gaza, 63 usines et petites entreprises ont fermé leurs portes à cause de l’agression israélienne et la destruction des zones industrielles. Beaucoup de commerçants ont été obligés de fermer leurs magasins en raison de leur incapacité à payer les loyers. De simples vendeurs de rue ont perdu leurs moyens de subsistance, eux qui vendaient leurs produits à bas prix dans les marchés populaires et les marchés hebdomadaires et qui avaient déjà une faible marge bénéficiaire ont disparu.

Les restrictions sur les zones de pêche réduites à 8 milles marins voire moins durant l’année 2022, ont empêché les pêcheurs de gagner leur vie. Cette année a connu l’augmentation des attaques de la part de la marine israélienne contre les pêcheurs de Gaza. S,elon le syndicat des pêcheurs de Gaza, 160 attaques ont été enregistrées contre les pêcheurs et leurs bateaux de pêche : 3 pécheurs ont été tués, 23 pêcheurs blessés, 12 arrêtés, 48 bateaux de pêche détruits et 36 confisqués . 

Les autorités israéliennes ont poursuivi leurs mesures pour détruire le secteur agricole dans la bande de Gaza qui a perdu plus de 2 millions d’euros comme pertes directs pendant l’agression israélienne et les incursions de l’armée israélienne toute l’année. En plus des incursions militaires et des attaques contre les paysans, elles ont inondé des terres agricoles en ouvrant les vannes de barrages qui retenaient l’eau pluviale en décembre afin de rendre ces terres incultivables, et ont causé d’énormes pertes aux agriculteurs de Gaza. 

Le blocus israélien inhumain et mortel est imposé de façon illégale par les forces de l’occupation depuis plus de seize ans, et la quasi -totalité des passages qui relient la bande de Gaza à l’extérieur est fermée. 

Concernant les passages commerciaux : actuellement, 340 à 390 camions entrent chaque jour à Gaza via le seul passage commercial situé au sud de la bande de Gaza, ouvert cinq jours par semaine, mais la moitié de ces camions sont pour les organisations internationales et leurs projets de reconstruction d’écoles et de stations d’eau. 

Toutefois ce passage se referme à n’importe quel moment et sous n’importe quel prétexte, par décision israélienne unilatérale, sans prendre en considération les besoins énormes d’une population civile en augmentation permanente. 

Gaza n’a droit qu’à 360 produits au lieu de 930 avant le blocus. Quelques produits et médicaments n’entrent pas, ce qui a aggravé la situation déjà difficile. Selon les estimations des organisations internationales, l’entrée de 1200 camions par jour dans la bande de Gaza serait nécessaire pour répondre aux besoins énormes de cette population. Sans oublier la liste de 58 produits toujours interdits d’entrée par ordre militaire israélien sous prétexte qu’ils ont un possible double usage, dont des appareils de diagnostic médical. 

Cette fermeture a empêché la libre circulation des importations et des exportations des biens et produits de Gaza, en particulier les matières premières, les fruits et légumes, et les produits semi-finis. 

L’armée d’occupation refuse toujours l’ouverture de cinq passages qui relient la bande de Gaza à l’extérieur et maintient son blocus sur Gaza, et a détruit totalement le passage commercial  Karni à l’est de la ville de Gaza.

Concernant les passages pour la circulation des personnes, les deux passages qui relient la bande de Gaza à l’extérieur sont le passage de Rafah au sud de la bande de Gaza sur les frontières avec l’Egypte, et le passage d’Eretz-Beit-Hanoun au nord vers la Cisjordanie contrôlé par l’armée israélienne. Ils ont connu une faible ouverture partielle par les deux autorités durant l’année 2022 , malgré une petite amélioration qu’en 2021.   

Toujours dans le cadre de la stratégie de punitions collectives, l’armée israélienne a poursuivi sa politique visant à empêcher les malades d’aller se soigner dans les hôpitaux de la Cisjordanie. Selon le Centre palestinien pour les droits de l’Homme de Gaza, en 2022 l’occupation israélienne a empêché 1375 patients de quitter la bande de Gaza pour se faire soigner et recevoir un traitement en dehors de l’enclave assiégée, notamment pour les maladies chroniques et graves. Et les rares patients qui ont été autorisés à quitter Gaza pour des raisons médicales, ont été soumis à un interrogatoire sur le passage d’Eretz par l’armée israélienne. Cette armée a arrêté 36 malades palestiniens sur ce passage. 

"2022 : une année catastrophique pour Gaza", par Ziad Medoukh

Neuf commerçants palestiniens de Gaza ont été arrêtés en 2022 par les forces d’occupation sur le passage de Beit-Hanoun.

L’occupation israélienne a empêché 230 chrétiens de Gaza de célébrer les fêtes à Jérusalem et à Bethléem en décembre 2022.

Une autre difficulté concerne les baisses du financement accordé à l’UNRWA, l’agence des Nations-Unies chargée des réfugiés palestiniens par plusieurs pays, malgré toutes les promesses de soutenir cette organisation. Par conséquent, l’organisme ne parvient pas à payer ses fonctionnaires, ni à continuer à s’occuper de 65% de la population de Gaza, notamment dans les domaines de la santé et de l’éducation.  

Dans cette situation très difficile, l’aide internationale, même limitée, a participé à empêcher un effondrement total dans cette région densément peuplée,. Elle a cependant créé une dépendance humanitaire au lieu d’encourager le développement local.  Nous sommes passés d’une économie familiale non-violente à une économie dépendante de l’occupant et des organisations internationales. 

Un autre problème grave qui est resté sans solution cette année concerne la pénurie d’électricité partout dans la bande de Gaza, durant toute l’année 2022. Chaque foyer à Gaza avait droit à 6 à 8 heures de courant électrique par jour, et rarement 8 heures. Parfois, les foyers sont restés deux ou trois jours sans électricité, en particulier durant les bombardements israéliens intensifs et la fermeture totale des passages, les forces d’occupation israéliennes réduisant la fourniture d’électricité, afin de faire pression sur la population civile résistante. 

Cette décision arbitraire aggrave la crise humanitaire dans une région en souffrance permanente, et met en danger les infrastructures sanitaires et en particulier les hôpitaux. Cette pénurie d’électricité a des conséquences sur tous les secteurs vitaux dans cette région. Beaucoup d’usines ont été fermées. 

Outre ces coupures, à Gaza, c’est la pénurie d’eau. En effet, tous les puits municipaux qui approvisionnent les habitants fonctionnent à partir du courant électrique. Concernant l’eau : en 2022, à peine 14% des puits d’eau potable de Gaza sont propres à la consommation humaine. Les bombardements israéliens réguliers ont encore touché les infrastructures comme les aqueducs et les systèmes d’égout. De plus l’aquifère est de qualité médiocre ce qui fait que 90% des puits d’eau potable à Gaza sont en dessous des normes minimales de santé pour la consommation humaine. 

 L’eau à Gaza est devenue rare et contaminée. Et avoir une eau potable saine et propre est devenu quasiment impossible pour les habitants. 

Les dommages causés aux canalisations d’eau et d’assainissement ont été immenses. En décembre 2022, plus de la moitié des palestiniens de Gaza n’avait plus aucun accès à l’eau selon le rapport de l’Autorité de l’eau de Gaza. Cette catastrophe de l’eau et du traitement des eaux usées, en l’absence d’électricité, a causé une forte augmentation de maladies d’origine hydrique et alimentaire. 

Cette situation est devenue très grave en 2022, avec le renforcement du blocus israélien sur la bande de Gaza, l’agression militaire israélienne de trois jours en août dernier contre cette enclave isolée qui a causé la destruction de beaucoup de puits et d’usines de désalinisation dans cette région enfermée. L’armée israélienne bloque toujours l’entrée de centaines de pièces de rechange vitales pour le fonctionnement des systèmes d’eau et d’épuration, en conséquence, l’eau usée partiellement traitée est relâchée dans la mer, et les fuites d’eau des canalisations sont importantes, s’ajoute à tout cela le débordement des eaux de pluie qui cause des inondations terribles chaque hiver.   

Sur le plan politique au niveau interne et externe, l’année 2022, a connu plusieurs évènements dramatiques pour les Palestiniens comme la poursuite de la politique internationale négligeant les revendications du peuple palestinien, le conflit en Ukraine, et la politique de deux poids deux mesures pratiquée par les instances internationales et les médias occidentaux, mais surtout la normalisation officielle de plusieurs régimes arabes avec l’occupation israélienne. Ces évènements ont aggravé la situation déjà critique, et ont participé à isoler les Palestiniens. 

L’absence d’unité nationale et l’échec des efforts de réconciliation interpalestinienne malgré une conférence en Algérie en novembre dernier, ont aggravé l’amertume des habitants de la bande de Gaza, qui attendent depuis des années cette réconciliation nationale afin d’améliorer leurs conditions de vie et mettre fin à leur souffrance. 

Des jeunes commencent à perdre tout espoir en un avenir immédiat meilleur, d’autant qu’ils sont laissés à leur sort par une communauté internationale officielle silencieuse, passive. 

 Le bureau des Nations Unies a mis en garde contre les répercussions de cette situation alarmante sur la survie de l’économie du territoire assiégé ainsi que sur la cohésion sociale. Il a appelé la communauté internationale à fournir une aide urgente et une assistance technique . 

C’est vrai que ces Palestiniens de Gaza à la vitalité pleine de ressources impressionnent le monde par leur capacité extraordinaire à s’adapter avec cette situation économique et sociale dévastatrice, et à supporter l’insupportable, au travers une solidarité familiale et sociale remarquable et des liens sociaux forts, avec quelques aides internationales limitées. La population civile se bat quotidiennement pour survivre dignement sur sa terre en résistant et existant. Mais la question qui se pose à la fin de chaque année : jusqu’à quand cette souffrance et cette injustice pour une population civile enfermée, agressée et abandonnée ? 

Comme chaque année, espérons pour 2023. « 

Par Ziad Medoukh

CAPJPO-EuroPalestine