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LA LEGITIMITE DE LA MOTION VOTEE PAR LE CONSEIL D’ADMINISTRATION DE L’UNIVERSITE PARIS 6

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Intervention de Baudouin Jurdant
Professeur de Sciences de l’Information et de la Communication à Paris 7
Directeur de l’UF CCI (Cinéma Communication Information), au meeting du 22 janvier 2003 à Jussieu.


Les prétentions de neutralité sous couvert d’objectivité de la science moderne et des scientifiques, pour donner ainsi une chance au dialogue et à la paix, sont véritablement incongrues voire absurdes quand on sait à quel point les scientifiques ont été impliqués dans tous les conflits du XXe siècle. Il faut cesser de croire qu’il existe des espaces privilégiés à l’abri du politique où pourrait se construire, au milieu des champs de bataille et des conflits les plus violents, un discours de raison qui se distinguerait de tous les autres discours par son non-engagement, par l’autogratification d’une sorte de supériorité olympienne appelée à juger. Scientifiques, chercheurs et enseignants-chercheurs doivent faire entendre leur voix, notamment à travers les institutions qu’ils font vivre et qui les font vivre, surtout si cette voix respecte les règles du jeu démocratique. C’est bien au nom d’une solidarité universitaire qui vaut autant pour nos collègues palestiniens que pour nos collègues israéliens que la motion de Paris 6 a été votée, faisant ainsi honneur à son comité d’administration.
Quelle est la légitimité d’une telle prise de position par un CA d’Université ?
Rappelons d’abord les textes. L’article L 123-3 du code de l’éducation qui concerne les objectifs et missions de l’enseignement supérieur inclut expressément la coopération internationale parmi ces missions qui comprennent en outre la formation, la recherche et la diffusion.
C’est dans l’article L712-3 du même texte que se trouve explicitée le rôle des conseils d’administration. Il y est dit que c’est « le conseil d’administration [qui] détermine la politique de l’établissement. » Le CA est souverain dans les décisions qu’il peut prendre du moment qu’il reste dans le cadre général défini par le Ministère de l’Education nationale.
De la lecture de ces textes, on peut conclure en disant que le vote d’une motion visant à prendre position sur certains aspects de la coopération universitaire internationale entre l’Union européenne et Israël est parfaitement légitime. Mais on doit dire aussi, que l’engagement qu’implique un tel vote est politiquement courageux et éthiquement juste de la part d’une université à dominante scientifique.

En tant qu’enseignant de Paris 7, je ne peux pas oublier non plus que cette université (je veux dire Paris 7), c’est une tradition d’engagement à la fois intellectuel et politique qui refuse cette espèce de neutralité molle et désuète qui fait le lit des opportunismes les plus dangereux. Les universitaires peuvent avoir des convictions comme n’importe quel autre citoyen et, comme n’importe quel autre citoyen, ils peuvent être amenés à les défendre au nom d’un véritable engagement pour une cause qu’ils estiment juste en leur âme et conscience. C’est quand ils n’ont plus d’âme et guère plus de conscience qu’ils se limitent eux-mêmes à un rôle professionnel qui peut très vite les rendre aveugles au contexte politique et social de leurs activités d’enseignement et de recherche.

Et puis, il y a cet argument qui veut nous convaincre qu’Israël n’étant pas pire que les plus pires, il serait injuste de s’en préoccuper plus que d’autres pays où les abus contre les droits de l’homme sont notoirement bafoués de manière encore plus sérieuse et plus systématique qu’en Israël.
Cet argument est tout simplement pitoyable.
Tout d’abord, Israël n’est pas un pays comme les autres pour les Européens. C’est un pays qui s’est construit à partir de l’Europe. Et si l’Europe le reconnaît comme partenaire privilégié, notamment à travers des accords qui, pour l’Union européenne, donnent à Israël le statut d’un Etat européen, c’est bien parce qu’Israël représente une dimension essentielle de l’histoire et de la culture européennes. Il est clair que ce qui se passe en Israël ne peut pas laisser indifférents les pays européens et en particulier les universitaires.

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