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LE CHERCHEUR ISRAELIEN ILAN PAPPE DEMANDE A LA COMMUNAUTE INTERNATIONALE DES SANCTIONS CONTRE ISRAEL

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26 janvier – EXTRAITS DE L’INTERVIEW D’ILAN PAPPE A RADIO ORIENT LE 24/1/2003


Q : Ilan pappé, vous êtes une des figures de proue du courant connu sous le
nom des  » nouveaux historiens  » israéliens, né en 88 date à laquelle les
archives israéliennes et britaniques ont été ouvertes ce qui a permis une
nouvelle lecture de la période qui a donné naissance à l’état d’Israël en
48. Vous êtes l’auteur notamment de  » la guerre de 1948 en Palestine aux
origines du conflit israélo-arabe « , livre dans lequel vous racontez
également l’exode des palestiniens chassés de leurs terres et leur destin
une fois devenus des réfugiés.
Vous enseignez, depuis 10 ans, l’histoire du moyen orient, à l’université de
Haifa.
……
On essaie actuellement de vous expulser d’Israël. Pour quelles raisons ?

R : La première est que j’ai signé une pétition appelant la communauté
européenne à sanctionner le milieu académique israélien pour son manque
d’indépendance à l’égard du gouvernement.
Je suis boycotté à l’université depuis. Je suis exclu de toutes les
rencontres universitaires, de tous les séminaires qui se tiennent, des
conférences. Ce boycott atteint son sommum avec un procès intenté contre moi
pour tenter de m’expulser et que doit prendre en charge le tribunal disciplinaire, qui peut
expulser un enseignant même après 10 ans d’ancienneté.

Q : Au lieu de demander à vos collègues de vous soutenir vous avez fait
appel aux universitaires dans le monde. Parce que vous aviez testé par le
passé leur passivité à diverses occasions. Pouvez-vous me parler de ces
occasions là ? et la raison pour laquelle ils restent passifs cautionnant du
coup la répression de la liberté de pensée et d’expression ?

R : Quand j’ai publié ma position à l’issue de l’affaire Katz, l’Université a
annulé ma participation à trois conferences majeures qui ont eu lieu à
l’Université de Haifa et auxquelles j’avais été convié avant l’affaire Katz.
J’ai alors fait appel à mes collègues à l’université, pour leur demander de
condamner publiquement ces annulations. Ils ont refusé de le faire.
J’ai ensuite reçu quelques lettres personnelles où quelques collègues
m’exprimaient leur soutien. Quand je leur ai demandé l’autorisation de
publier ces lettres, ils ont de nouveau refusé.
Vous me demandez pourquoi ils se comportent de la sorte. Je peux vous
répondre que le système académique en Israël est très conformiste. Ce sont
des gens qui n’ont pas le courage de leurs idées. Ils ne sont pas prêts à
mettre en danger leurs carrières. C’est Une chose d’écrire un article
général sur le droit des Palestiniens à un Etat, mais c’est tout autre chose
de se mettre en danger pour dénoncer la persécution d’une personne qui a des
idées différentes, des idées antisionistes ou tout simplement parce
qu’elle est arabe.
Dans mon université, je n’ai trouvé personne qui soit
prêt à prendre ce risque. Mais, maintenant et après ma convocation à
comparaître devant un tribunal disciplinaire, il semble que de nombreux
collègues commencent à se réveiller et se rendent mieux compte de ce qui se
passe. Peut-être que cette fois j’obtiendrai un véritable soutien, mais
c’est encore trop tôt pour le dire.

Q : vos étudiants ne réagissent pas non plus ?

R : Mes étudiants veulent réagir mais je ne veux pas qu’ils le fassent. Ils
sont trop vulnérables et risquent de se voir expulser de l’université. Je préfère
que ce soit mes collègues qui réagissent. Eux, ne doivent avoir peur de rien du tout.

(……)
Q : qu’est ce que vous avez l’intention de faire si vous êtes expulsé ?

R : je chercherai du boulot. Ils n’arriveront pas à me terroriser. Je n’ai
pas peur d’eux. J’ai reçu de nombreuses propositions pour enseigner à
l’étranger. mais je n’ai aucune intention de quitter le pays. J’ai également
reçu une offre pour travailler dans une école palestinienne à Eblin, je
pourrais choisir cette option. Je ne sais pas si l’université réussira à
m’expulser vu la réaction internationale à ma convocation. Ca commence à
avoir de l’effet. Mais cette action doit se poursuivre sinon bien sûr elle
n’aura servi à rien.

Q : pourquoi l’université a attendu deux ans avant d’essayer de vous
expulser de l’université ?

R : L’ambiance en Israël s’est dramatiquement dégradée depuis février 2001.
avant cela Israël n’était pas une grande démocratie mais acceptait le jeu
démocratique. Ce qui signifie que des dissidents juifs comme moi, des
radicaux juifs ou tout simplement, des juifs qui interrogent les questions à
la base du consensus sioniste étaient tolérés même s’ils n’étaient pas
aimés.
Bien sûr si mes collègues d’origine palestinienne avaient osé dire ce que je
dis depuis 20 ans, ils l’auraient payé bien cher.
Mais, depuis février 2001, la majorité des Israéliens : ceux qui sont au
pouvoir comme ceux qui ont conduit ce gouvernement au pouvoir ont décidé que
le jeu démocratique les affaiblissait dans leur lutte contre les
palestiniens et contre le monde arabe. C’est là qu’ils ont commencé à
harceler les gens comme moi, non plus exclusivement les victimes habituelles
c’est-à-dire, les Palestiniens des territoires occupés, ou la minorité
d’origine palestinenne en Israël. Ils harcèlent même des juifs israéliens
politiquement au centre.
Par exemple, Yaffa Yarkoni, une chanteuse populaire
septuagénaire, réputée depuis plus d’un demi-siècle pour ses chants de
guerre,. Elle a suivi les infos à la télé ; elle a vu ce qui s’est passé à
Jénine et elle a exprimé sa colère. Elle a dit que cela lui rappelait ce que
les nazis avaient fait durant la deuxième guerre mondiale. Conséquence :
elle n’a plus le droit de se produire. elle a été publiquement condamnée.
Elle a des problèmes économiques parce qu’elle ne peut plus travailler. Et
je vous parle là d’une femme du centre je ne vous parle pas de moi. elle a
été menacée de mort. Elle ne circule plus qu’accompagnée de ses 3 gardes du
corps.

Il y a aussi Gaby Gazit. C’est un journaliste qui dirigeait un programme
d’information à la télé. Il penche très légèrement vers la gauche. On ne
peut même pas dire qu’il est franchement de gauche. Disons qu’il a été
critique et ça lui a valu une expulsion de la télé. Il y a de plus en plus
de procédures judiciaires contre des universitaires qui ont soutenu les
soldats qui se refusent à servir dans l’armée israélienne. Voilà l’ambiance
régnante en Israël et c’est cette ambiance qui fait que les gens qui ont
toujours voulu m’avoir ont jugé que le temps était maintenant venu pour
qu’ils puissent le faire.

Q : A quel moment Les nouveaux historiens dont vous faites partie n’a plus
été toléré par le gouvernement israélien ?

R : Les nouveaux historiens sont apparus en 1988. C’était à la base un petit
groupe d’historiens dont je faisais partie qui suite à leurs recherches ont
compris que la version officielle de l’histoire israélienne en ce qui
concerne la période de 48, celle de la création de l’état d’Israël était
fausse. Que c’était un mensonge intentionnel. Ils ont alors essayé de
réecrire ce qui s’est passé en 1948. la vérité s’est avérée plus proche de
la version palestinienne que de celle israélienne. Au milieu des années 90,
le groupe s’est étendu pour devenir un courant de pensée composé
d’intellectuels, d’universitaires auteurs d’ouvrages critiques non plus
uniquement de la période de 1948 mais aussi des années 60, du sionisme en
général. Le gouvernement israélien a accepté un certain nombre de critiques
et d’accusations de la part de penseurs connus sous le nom de penseurs
anti-sionistes. Ce mouvement englobait également des artistes. On percevait
ce regard critique dans le cinéma israélien dans le théâtre, dans la presse.
Même dans les ouvrages scolaires. Ce courant de pensée était toléré jusqu’en
1999. En 1999, le gouvernement israélien a commencé à considérer que ce
mouvement constituait une menace pour lui. Il a alors voulu faire taire
cette pensée. Retirant toute ses traces des ouvrages scolaires, des
programmes de télévision et de radio. Mais c’était encore supportable. Les
choses se sont accélérées après l’élection de Sharon et après la deuxième
intifada.

(…)
Q : quelles sont, selon vous, les conditions pour que la paix soit possible
en Israël ?

R : Nous avons d’abord besoin d’une très forte pression internationale sur
le gouvernement israélien. Des sanctions doivent être prises. Un peu comme à
l’exemple de celles qui ont été prises contre l’Afrique du Sud. Il n’y a pas
de forces politiques à l’intérieur d’Israël qui pourrait servir
d’alternative au gouvernement de Sharon. Il n’y a plus de gauche. Disons
plutôt qu’il ne reste plus grand chose de la gauche. En tout cas elle ne
constitue plus une alternative. D’où la nécessité d’une pression
internationale pour changer les choses. l’histoire à démontré l’efficacité de
telles pressions sur un pays. Puis, Les israéliens doivent comprendre qu’ils
doivent payer pour leurs actions. Ils doivent payer un prix économique et
culturel. Nous sommes tous en train de payer le prix du sang .
La pression internationale est nécessaire car je crains une nouvelle nakba
très bientôt. Nombreux sont les israéliens qui commettraient une nouvelle
nakba sans aucune hésitation. Spécialement si les américains décident
d’attaquer l’irak. Ils justifieront cela par une situation de guerre et dans
une situation de guerre vous pouvez perpétrer des choses que vous ne pouvez
pas faire en temps de paix.

Puis à plus long terme, les israéliens doivent reconnaître ce qu’ils
ont fait lors de la création de l’état d’Israël en 48. c’est la clé de la
solution. Si Israël reconnaît le nettoyage ethnique qu’elle a perpétré en
48. on pourrait alors commencer un processus de réconciliation et les
israéliens seront surpris de constater la bonne volonté que mettrons les
palestiniens dans toutes les questions : que ce soit la question de la
création d’un état palestinien ou le nombre de réfugiés qui reviendront en
Israël, sur la question de Jérusalem. Sur toutes les questions. Si seulement
les israéliens disaient  » nous avons menti sur l’histoire de la création de
l’état d’israël. nous avons commis un nettoyage ethnique.  »

Nous devons reconnaître nos crimes. Nous devons parler de nos crimes. Nous
vous devons des compensations. C’est pourquoi, nous devons permettre aux
réfugiés de retourner chez eux. Alors seulement, nous pourrons parler de
paix. Il faut accompagner tout ça bien sûr par la fin de l’occupation.

Q : vous étiez en train de parler de la nakba à venir. Mais cette nakba
touchera également les militants israéliens pour la paix.

R : Oui. Absolument. Trois groupes seront les victimes de la
prochaine nakba : les palestiniens des territoires occupés, la minorité
palestinienne en israël, puis tout juif qui vit en israël et qui n’adhère
pas à la pensée régnante. Ces trois groupes seront les victimes de cet
horrible scénario qui j’espère n’aura pas lieu. Mais cela dépend beaucoup de
la pression internationale.

Q : quel est votre regard de nouveau historien et de militant pour la paix
sur cette opération rempart qui selon les israéliens devait servir à
éradiquer le supposé terrorisme palestinien ?

R : Cette opération a conduit à 3 résultats très néfastes : Premièrement,
elle a détruit l’infrastructure qui rendait la vie possible en Cisjordanie.
Ca prendra des années pour la reconstruire. Deuxièmement, elle a motivé de
nombreux palestiniens à se transformer en bombes humaines, puis
malheureusement, elle a rendu la population israélienne encore plus
récalcitrante à toute solution pour la résolution du conflit.
Tout ce qui intéresse ce gouvernement c’est sa politique intérieure il n’a
pas de vision globale. Cette opération rempart est à situer dans le cadre de la bataille
de pouvoir de ce gouvernement contre Netanyahou. Cette opération pour lui est une réussite
dans ce sens. Il a montré qu’il utilisait la brutalité sans aucune
hésitation, il espère montrer par là qu’il a un meilleur programme pour
gérer ce qu’Israël appelle le problème palestinien.

Q : n’est-ce pas trop simpliste de dire qu’à l’intérieur d’Israël il y a
ceux qui se battent pour la paix et ceux qui refusent la paix ? n’est-ce pas
beaucoup plus compliqué que ça ?

R : C’est un peu plus compliqué que ça. la société israélienne a été
endoctrinée durant 50 ans. D’une manière assez complexe dans la mesure où ce
n’était pas une dictature. C’est pour cela que la majorité des israéliens
pensent que ce qu’ils font est bien. Ce n’est pas une dictature où les gens
ont peur de parler autrement. Ils veulent parler comme ça. C’est pour cela
que je parle d’éducation et de pression internationale. c’est comme les
blancs durant l’apartheid en afrique du sud. Les blancs voulaient
l’apartheid. On ne le leur a pas imposé. Ca les arrangeait. Ils en ont
profité. Et il a fallu une pression internationale pour mettre fin à
l’apartheid et bien sûr la lutte de l’ANC pour la libération.

Q : quel est le pourcentage de ceux qui pensent comme vous en israël ?

R : Ils ne sont pas nombreux. Ils ne représentent qu’une goutte d’eau dans
un océan

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